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Recherches anarchistes
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Entretiens avec des militants

Entretiens recueillis par Ludovic Bonleux :

Gérard Escoubet (1925- ) Entretien du 9 mars 1998

Éducation catholique. A fait son service militaire (il n’était, alors, pas encore anar) : garde des prisonniers allemands. Témoin d’atrocités commis par des soldats marocains.

À la fin des années 1940, prend contact avec le mouvement anarchiste en fréquentant des compagnons de la CNT espagnole dont il parle la langue. Travaille sur des barrages dans les Pyrénées. Les copains espagnols lui demandent de « s’occuper » du syndicat de la CNTf (160 cotisants sur 400 ouvriers). Grave accident du travail, puis il est licencié.

Revenu à Bordeaux, il devient secrétaire de la 8e union régionale CNT qui en 1946 regroupait environ 500 adhérents ; mais la section périclite. Paul Lapeyre pense alors que ce n’est plus la peine d’y militer.
G. Escoubet travaille par la suite comme tailleur pour le compte de l’intendance de l’armée américaine. Devant l’impossibilité de créer un syndicat CNT, il se place sous le sigle de l’union départementale Force ouvrière.

Jo Salamero, Marc Prévôtel et Escoubet lanceront alors l’Union des anarcho-syndicalistes. Alexandre Hébert (et non pas Weber) y est associé.

Gérard Escoubet travaille ensuite pour une société parisienne : les Éditions de l’illustration.
Puis, « par le canal des frères Lapeyre », milite à la Fédération anarchiste. En 1968, il participe au congrès de Carrare comme délégué du groupe Sébastien-Faure, avec Aristide Lapeyre et la compagne de ce dernier, Odette ; avec également un autre copain du groupe : Antonio Sanchez (Castagne de son vrai nom). Il y retrouve de vieux compagnons : Umberto Marzotti (Marzocchi ?) et Alphonso Faila. En 1970 (congrès de Marseille), il prend en charge les Relation internationales, aidé par Jean Barrué pour la langue allemande.
En 1963, « grâce à Aristide Lapeyre », l’acquisition de l’athénée libertaire avait été réalisée. Gérard Escoubet y participe financièrement avec quelques copains. « Chaque jeudi soir, il y avait un exposé avec débat au nom du groupe rationaliste Francisco-Ferrer ». Puis il y eut un ciné-club, le samedi soir et le dimanche après-midi, toujours avec débat.

Gérard Escoubet estime qu’une quarantaine de militants devait cotiser au groupe Sébastien-Faure, seul groupe bordelais. Il est à noter que la tendance de Georges Fontenis, qui s’était emparée de tous les postes au niveau national, ne fut pas suivie à Bordeaux.

Valeriano Espiga, né en Espagne (1915- ) Entretien du 9 juin 1998

Père boucher ; famille religieuse ; un frère évêque : « J’ai failli entrer au séminaire… »

C’est en 1931, avec l’instauration de la République, qu’il a « commencé à réfléchir ». Puis il a eu des contacts avec la CNT. Il adhère. En 1933, « il y a eu une grande révolution (Casas Viejas) qui a échoué […]. On m’a donné un revolver avec cinq cartouches, et on est sorti dans la rue. Le mouvement a été écrasé ». Condamné à un an de prison pour détention d’arme et à dix ans pour rébellion, puis amnistié en mai 1934. En octobre, lors de la révolte des Asturies, il est emprisonné une nouvelle fois.

En 1936, il ne peut prendre les armes et se cache dans la montagne jusqu’en 1939, puis passe en France où il est interné au camp de Gurs. Puis il participe au sein des Compagnies de travailleurs étrangers à la construction d’un terrain d’aviation jusqu’à l’Occupation allemande qui le renvoie de nouveau à Gurs. Puis travaille pour des paysans et apprend le français. C’est alors que les Français l’envoient travailler pour les Allemands sur le Mur de l’Atlantique. Il s’échappe avec son frère et quatre autres copains, essaie de rejoindre Bordeaux après avoir séjourné clandestinement à Paris.

Il est question de Progrès Travé, militant à la fois de la CNTe et de la CNTf, directeur du « Combat syndicaliste » : il combattit dans la colonne « Liberté » qui attaqua la poche de Royan.

En France, à la Libération, Valeriano Espiga adhère à la CGT. « Puis les Lapeyre ont créé la CNT française, et j’y ai adhéré, comme beaucoup d’Espagnols. »

Dans les années 1950, il fut trésorier puis secrétaire de la commission régionale de la CNTe.
En 1965, on mentionne une scission au sein de la CNTe et des expulsions. « Il y avait un courant modéré qui acceptait la participation gouvernementale en Espagne (à mon avis, ce fut une grave erreur) et un courant radical. »

Il est question de jeunes libertaires (Yves Peyraut et Progrès Travé) qui, en 1968, auraient attaqué un commissariat de police. Ils ne furent pas arrêtés.

Ces jeunes (espagnols et français) se retrouvèrent à la rue du Muguet.
Quand on lui demande s’il se considère plus comme anarchiste, anarcho-syndicaliste ou libertaire, Valeriano Espiga répond : « Je suis sorti d’une mystique religieuse pour rentrer dans une mystique anarchiste. Je me considère avant tout comme anarchiste, je suis anarcho-syndicaliste dans la CNT. »

Cayo Herrero, né en Espagne (1912- ) Entretien du 19 juin 1998

Il semblerait que la notice de Cayo Herrero soit identique à celle de « Caillaux » que l’on retrouve dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier de Maitron.

Père boulanger, militant socialiste et patriote qui s’exila d’Espagne en 1909.

Cayo Herrero entre en apprentissage à l’âge de 15 ans aux Usines de Bacalan, puis devient chaudronnier (dans la métallurgie). Très vite c’est un militant syndicaliste à la CGT-U (± 1928-1934) puis adhère à la CGT-SR (± 1934). Il « militait [aussi] dans le milieu anarchiste » :
« Je me suis intéressé au mouvement anarchiste en 1928. Il y avait le Club des réfractaires […]. Ils se réunissaient dans un bar, place de la Victoire, puis place de la République. »

« Puis j’étais à la CGT, dans la tendance minoritaire, lors de la scission. » Entre alors à Force ouvrière (« Mais je n’étais pas d’accord avec la ligne générale »). « Toujours adhérant à FO, comme retraité, mais sans conviction. »

« J’ai arrêté de fréquenter le groupe Sébastien–Faure après la mort d’Aristide. » « J’ai eu une grande amitié pour A[ristide] Lapeyre.[…], pour lui et son frère. »

Et Barrué ?
« Lui, je l’ai connu après la guerre, j’avais de l’estime pour lui. Mais il est devenu anarchiste après la guerre, quasiment à la retraite. »

Escoubet ?
« Je l’ai connu quand il a commencé à travailler dans le bâtiment, quand il a eu son accident et qu’il est entré à la CNT. »
Service militaire ?
« J’étais naturalisé français, donc je devais le faire mais je ne m’en suis pas occupé et j’ai été ce qu’on pourrait appeler un déserteur. »
Et l’Espagne ?
« Je suis parti combattre en Espagne en 1936 et je suis revenu en février 1939. On était […] six Espagnols et cinq Français. […] Nous étions dans une colonne de la CNT […], la 27e. »
Résistant ?
« Oui, j’étais avec des Espagnols, à Lavelanet. »
L’attentat contre l’intendant allemand Reimers ?
« Ça oui, j’en ai entendu parler : j’ai été interné au camp de concentration de Pichey […]. Je crois que ce sont les communistes qui l’on tué. »
« À la Libération, on a eu une entrevue à Agen avec d’autres anarchistes d’envergure nationale, dont Voline et Pierre Besnard. Nous étions trois de Bordeaux : Aristide, Prévôtel et moi. »

Marc Prévôtel (1933-2010) Entretien du 2 septembre 1998

Fils des militants anarchistes André et Andrée Prévôtel.
« [Fernand] Gouaux avait fait son service dans les années (19)20 [...]. Avec lui et [Albert] Roux, il y avait Modesto Corbella [...]. Tous trois faisaient de la reprise individuelle. Ils piquaient des trucs aux Fritz pour les revendre au marché noir. [...] Dans ces années-là, dans le Sud-Ouest, il existait toute contre-société, tout un réseau anarchiste qui pouvait être aussi un ghetto, je suis né là-dedans », écrit Marc Prévôtel.
Mon père avait décidé de lutter contre les nazis sans prendre les armes. [...] Il faisait du marché noir sur les patates. [...] Il a eu des petits problèmes mais a réussi à s’en tirer sans aucuns dégâts.

J
Joachim Salamero (1931) Entretien du 20 avril 1998

Fils d’un réfugié anarchiste espagnol des années 1920, apprenti ajusteur-outilleur. Son père meurt en 1943.
« Je fréquentais déjà le milieu anarchiste grâce à mon père, notamment les militants espagnols [...] avant même la guerre civile. » Rencontre sa compagne au Grupo artistico espagnol. Assiste aux conférences des frères Lapeyre pour la FA et la Libre Pensée.

Syndiqué à la CGT en 1947. Après son service militaire, entre aux usines Marcel-Dassault bien que pacifiste et anarchiste : « C’était ma mère qui me nourrissait et cela devenait trop dur pour elle. »
Je lisais « le Libertaire » au début des années (19)50, même lorsqu’il était sous la coupe de Fontenis mais je ne faisais pas partie de la FA et je ne comprenais pas tous les problèmes internes. [...] J’ai adhéré au groupe anarchiste de Bordeaux en (19)53 après avoir fréquenté l’École rationaliste. »

Il y avait entre 30 et 45 adhérents alors.

Les gens qui se retrouvaient à l’École rationaliste étaient aussi bien des anarchistes français et espagnols que des libres penseurs. Aristide et Paul Lapeyre les animaient : étude du marxisme, de l’anarchisme, des religions, des révolutions françaises, russes, espagnoles, cours de géographie, d’histoire, la répression communiste, le mouvement syndical, la libre pensée, etc. Cela a marché pendant vingt ans…
La Libre Pensée regroupait entre 500 et 600 adhérents en Gironde : les Amis de la vérité, de tendance socialiste, et Lucifer, libertaire, animée par Aristide Lapeyre.

Aristide pouvait réunir jusqu’à 400 personnes pour dire que Dieu n’existe pas ou pour dénoncer l’Église qui est contre la contraception et la liberté des femmes. « Il y avait moins de télé… »
Mais Paul aussi était « un grand militant de la FA, de la CGT-SR, de la CNTf et de la Libre Pensée ».

L’armée et le pacifisme ?
« J’ai fait ma première grève (de trois jours) pendant mon service militaire au Maroc. »
Puis des manifestations contre les guerres d’Indochine et d’Algérie, mais « contrairement aux autres organisations gauchistes, nous n’avons jamais soutenu le FLN car nous étions contre tous les nationalismes, contre la guerre ».

Puis réseaux de soutien et solidarité pour faire passer à l’étranger ceux qui ont des problèmes avec la justice militaire.

Liberté sexuelle ?

Jusqu’en 1975 : activités diverses, sans être pour autant féministes, pour la liberté des femmes et de tous les individus à disposer de leur corps. Néo-malthusianisme, introduction de moyens contraceptifs divers, avortements clandestins. Activités qui ont contribué à faire avancer l’idée de la liberté de la contraception.

Syndicalisme ?

En 1945, « tous les syndicalistes anarchistes se sont retrouvés à la CGT ». Puis il y eut une période de turbulences qui aboutit à la création de la CGT-Force ouvrière. Mais, selon Paul Lapeyre, la CNTf en 1946-47, regroupait presque un millier d’adhérents, français et espagnols.
« J’ai été personnellement exclu de la CGT en 1960 ou 1961 » pour avoir « fait le jeu de l’OAS ». « En 1963, j’ai adhéré à l’UD FO ». « En 1975, je suis devenu permanent. »
L’entretien se poursuit le 2 septembre 1998

Il s’agit de préciser les péripéties des parcours syndicaux (scissions, formations de syndicats autonomes ou indépendants, etc.) après le création de Force ouvrière, et de dire le rôle joué par les libertaires bordelais.
Deux tendances à Bordeaux : rester à la CNTf pour maintenir une section de l’AIT, aller à FO pour toucher plus d’ouvriers. « Nous n’avions pas les moyens ni financiers ni en hommes de concurrencer cette dernière. »

Les noms de Laveau (Henri Lavaud ?), Gouaux, Escoubet, Roux, Richard, Peyraut sont évoqués.
Anarchiste, anarcho-syndicaliste ou libertaire ?
« Je me considère comme anarchiste. »

Emilio Travé, né en Espagne (1916- ), naturalisé français.Entretien du 12 janvier 1998

« J’ai commencé à travailler à 13 ans […], c’est à partir de ce moment que je suis devenu révolutionnaire. »
« Je suis arrivé en France après trente-deux mois de guerre en Espagne. J’avais 20 ans en 1936, j’étais à Barcelone… »

« J’ai passé la frontière le 7 février par Puigcerda […], on nous a parqué dans un pré. » Puis différents camps…Puis travail chez des paysans français mobilisés : « J’ai appris le français ». Arrestation, puis travail obligatoire à la construction de la base sous-marine allemande de Bacalan.
Évasion, contact avec la Résistance et engagement dans le bataillon espagnol Libertad qui a participé à la libération du Médoc, avec l’espoir, aidés par l’armée française, de retourner en Espagne lutter contre Franco. « On s’est fait avoir […], les promesses n’ont pas été tenues. »

La guerre terminée, il est démobilisé avec le grade de lieutenant, travaille comme manœuvre, puis c’est le chômage.

Milite à la CNTf, devient directeur du « Combat syndicaliste » puis du journal « Solidarité internationale antifasciste ».
Aristide ?
« L’action syndicale, c’était plutôt Paul, Aristide était plus tourné vers la Libre Pensée. »

Michel Slitinsky Entretien du 8 juin 1998

Slitinsky donne sa version de l’attentat d’octobre 1941 contre l’officier allemand Hans Reimers.

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