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Recherches anarchistes
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Remerciements & Introduction

Remerciements

En préambule à ce travail, je souhaiterais adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire.

Je tiens d’abord à remercier mon directeur de mémoire Monsieur Serge Wolikow ainsi que l’ensemble de l’équipe enseignante d’histoire contemporaine de l’Université de Bourgogne pour la qualité de leur enseignement. Mes remerciements s’adressent également à Monsieur Frédéric Lagrange pour son aide, son soutien et sa générosité lors de nos nombreuses rencontres aux archives de Saône-et-Loire. J’exprime ensuite ma gratitude au personnel des archives départementales de Saône-et-Loire pour leur accueil chaleureux. Je n’oublie pas mes parents pour leur soutien bienveillant. Je souhaiterais remercier également mes amis et mes proches pour leur encouragement tout au long de la réalisation de ce mémoire. Enfin, je remercie ma petite amie, Mlle Zoé Beaumale pour son soutien permanent ainsi que son patient travail de relecture et de correction.

Merci à tous et à toutes.

Introduction

Avec sa thèse pionnière sur le mouvement anarchiste français [1] publiée en 1951, Jean Maitron ouvrait une nouvelle voie dans l’étude du mouvement ouvrier en s’intéressant pour la première fois au mouvement libertaire. Cet ouvrage fondateur reste aujourd’hui le pilier de toute recherche sur le mouvement anarchiste français. De plus, « le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français » [2], fondé par Maitron lui même, est aujourd’hui un outil fondamental lorsque l’on travaille sur les gauches et a fortiori sur le mouvement libertaire. Par la suite, d’autres chercheurs sont venus enrichir les outils scientifiques à notre disposition. Il s’agit notamment de René Bianco [3], avec sa thèse sur la presse anarchiste française, publiée en 1987 et aujourd’hui mise en ligne, apportant une aide précieuse à la recherche.

Quasi inébranlable depuis Maitron, l’historiographie du mouvement anarchiste français n’est pourtant pas figée. En effet, ces dernières années, de nouveaux chercheurs ont tenté de renouveler l’historiographie traditionnelle. Il s’agit d’abord de Vivien Bouhey [4], qui propose dans sa thèse une relecture de l’histoire du mouvement libertaire jusqu’à la première guerre mondiale, en concentrant sa réflexion sur la notion de « réseaux ». En effet, selon Maitron, les groupes anarchistes connaissent « une absence de coordination » [5] entre eux ; les compagnons vivraient repliés sur eux-mêmes, en quasi autarcie vis-à-vis des autres groupes français. C’est précisément ce point précis que Bouhey tente de réfuter dans sa thèse. Même si Maitron évoquait déjà le rôle de la presse comme « agent de liaison » [6] entre les groupes, Bouhey va beaucoup plus loin en insistant sur le rôle des anarchistes « gyrovagues » [7], des « congrès anarchistes » [8] ou encore des « réseaux épistolaires » [9] entre les compagnons. Enfin, le chercheur le plus prolifique de ces dernières années est sans doute Gaetano Manfredonia, remarqué pour sa contribution à l’ouvrage collectif Histoire des gauches en France [10]où il signe l’article sur l’anarchisme. Il a contribué à renouveler l’historiographie de l’anarchisme en s’intéressant aux aspects du mouvement marginalisés chez Maitron.

Il s’est par exemple tourné vers l’étude des imaginaires, en publiant un ouvrage sur la chanson anarchiste [11]. Mais c’est son ouvrage le plus récent, « Anarchisme et changement social [12] », qui semble le plus « révolutionnaire » sur le plan historiographique. Manfredonia nous propose ici une nouvelle histoire de l’anarchisme. Il rompt avec l’aspect purement idéologique vers lequel se concentrait l’historiographie du mouvement. En d’autres termes, il s’agissait de construire l’histoire du mouvement en fonction des différentes composantes de celui-ci comme les anarchistes-communistes, anarchistes-individualistes ou encore anarchistes-chrétiens.

« Il faut rompre avec les interprétations habituelles de l’anarchisme qui, toutes, mettent en avant
l’histoire des idées ou des mouvements. Nous pensons, notamment, que c’est seulement en se
tournant résolument vers l’étude des pratiques militantes qu’il est possible de fournir une
explication satisfaisante des différences constatées ». [13].

Partant de ce constat, l’auteur emprunte à la sociologie compréhensive de Weber pour proposer une
nouvelle typologie de l’anarchisme fondée sur l’analyse des pratiques [14] mises en oeuvre par les
compagnons pour rendre possible le changement social. Il distingue alors trois idéaux typiques du
changement social chez les anarchistes : le type insurrectionnel, le type syndicaliste et le type
éducationniste-réalisateur [15]. Fort de cette connaissance historiographique, nous essaierons de garder
à l’esprit les apports de Bouhey et de Manfredonia au socle bâti par Maitron, pour replacer notre
étude locale dans les débats qui entourent l’historiographie de l’anarchie.

Pour développer notre sujet « Le mouvement anarchiste en Saône-et-Loire (1878-1914) », il
s’agissait d’abord de définir l’anarchisme ; une tâche assez ardue compte tenu des divergences
parfois extrêmes qui peuvent exister entre deux individus se revendiquant de ce mouvement. C’est
ce que Maitron évoquait déjà dans le premier chapitre de sa thèse où il tentait de dessiner les
contours de l’idéologie anarchiste [16]. Finalement pourquoi ne pas se reporter à ce qu’en disent les
compagnons eux-mêmes : « L’anarchiste est l’ennemi du pouvoir et de tout ce qui, de près ou de
loin, représente une autorité quelconque [17] » s’exclamait Ernest Girault, correspondant du Libertaire,
lors d’une tournée de conférence en Saône-et-Loire en octobre 1907. Cette définition semble être en
effet ce qui peut se rapprocher le plus de la réalité, car même si elle semble limitée en ne se
rapportant qu’à l’aspect anti-autoritaire de la praxis anarchiste, elle reste le dénominateur commun entre les différentes tendances de ce mouvement. C’est peut-être ce qui constitue la richesse de cette
simple définition.
Il nous est ensuite paru nécessaire de réfléchir à l’aspect sociologique de notre sujet pour
répondre à la question : « Qui sont les anarchistes de Saône-et-Loire ? ». Maitron avait déjà tenté de
répondre à ce genre d’interrogation en dressant une sorte de portait type de l’anarchiste dans son
article : « Un ’’anar’’, qu’est-ce que c’est ? [18] » : un ouvrier, souvent jeune, travailleur manuel le plus
souvent... S’il nuançait déjà l’apport de cette approche sociologique, André Nataf la remet
totalement en cause dans son ouvrage : « La vie quotidienne des anarchistes en France 1880-
1910 [19] » où il parle d’un « melting-pot complexe [20] » pour désigner les membres du groupe
anarchiste.

« il n’existe cependant pas de véritable sociologie des anarchistes pour la bonne raison que les
anarchistes ne constituent pas de groupe sociologique stable. Les traiter de « petits-bourgeois »
comme les marxistes ou d’ « inadaptés » comme le veut le sens commun revient en fait à porter un
jugement moral. Le libertaire ne recherche ni la stabilité, ni la cohérence ; et loin de la lui
reconnaître, la société n’a de cesse qu’elle l’ait pacifiquement absorbé ou fait violemment
disparaître. L’anarchie n’est peut-être pas une réalité sociologique, mais un fantasme
communément partagé par leurs adversaires et par eux-mêmes [21] »

Cette réflexion d’André Nataf nous amène à une « anti-sociologie » de l’anarchisme. De plus, les
ébauches de sociologie du mouvement anarchiste de Saône-et-Loire présentes dans l’ouvrage de
Vivien Bouhey restent souvent approximatives car elles comportent des erreurs ou tout du moins
des imprécisions. Ces dernières nous confortent dans l’idée qu’il est inutile et difficile d’obtenir des
résultats intéressants par cette approche. Par exemple, Bouhey ne dénombre aucune militante
anarchiste [22]. Or, l’étude approfondie des dossiers individuels des anarchistes dans la série M290
permet d’infirmer cette constatation. En effet, dans le dossier de « Bonnot Vivant », des notes du
commissaire spécial nous informent de l’existence d’une certaine « Reine Dessolin », « chanteuse
professant des idées anarchistes [23] ». Ceci n’étant qu’un exemple des nombreuses approximations
scientifiques que peuvent comporter une telle démarche [24]. De plus, une étude comme celle-ci se
révèle encore plus ardue dans le contexte de la Saône-et-Loire, tant il est difficile de se rendre
compte de la « sincérité » des nombreux militants présents dans nos sources. En effet, on sait que
certains membres de la « Bande Noire » de Montceau-les-Mines se retrouvèrent quelques années plus tard à servir la compagnie des mines dans ce qu’on a appelé « La bande à Patin », sorte de
« police occulte » de la direction des mines de Montceau [25].

Enfin, le problème principal dans l’étude du mouvement anarchiste, qui n’est pas propre à
notre étude locale, réside dans la nature des sources qui sont quasi exclusivement policières. Ainsi,
Jean-Marc Berlière, dans son ouvrage « Le monde des polices en France XIXe-XXe siècle [26] », nous
met en garde contre la qualité hétérogène de ces sources :

« Il ne faut jamais perdre de vue qu’un rapport de police est un instrument de travail et qu’un
policier est un travailleur comme un autre, tenu de fournir à date fixe des rapports sur des militants
et des organisations dont il n’est pas forcément familier : on ne peut avoir une confiance absolue
en la conscience professionnelle, la culture politique et l’esprit d’analyse d’un fonctionnaire qui
accomplit somme toute un travail de routine [27] »

Cependant, il est nécessaire de ne pas s’arrêter à cette première constatation. La police reste
souvent bien documentée et assez proche de la réalité de la vie des groupes. C’est en effet par
l’intermédiaire de nombreux mouchards que la police peut être si bien renseignée [28]. Par la présence
de plusieurs « mouches » au sein d’un même groupe, une même réunion sera parfois relatée dans
plusieurs rapports. Ainsi, en confrontant ces différentes versions, on peut se rapprocher au mieux
de la réalité.

Nous avons appuyé notre analyse locale sur les nombreux articles et mémoires qui ont porté
sur l’histoire du département et particulièrement du bassin minier. Le travail récent de Romain
Paszko sur « La chambre syndicale des ouvriers mineurs et similaires de Montceau-les-Mines [29] »
est par exemple très riche pour étudier l’évolution du syndicalisme dans la région. Enfin, nous
avons étudié avec soin le travail de Magalie Moreau sur les anarchistes dijonnais [30] qui se révéla d’un
grand intérêt pour confronter les évolutions du mouvement anarchiste en Saône-et-Loire et en Côte
d’Or et ainsi étudier les éventuels liens entre les compagnons bourguignons.

Après l’analyse rapide de l’historiographie, de nos sources et après présentation de quelques
aspects problématiques et fondamentaux de notre démarche, nous avons tenté de montrer au cours
de notre développement en quoi le parcours des anarchistes de Saône-et-Loire, parfois atypique,
pouvait contribuer à éclairer les progrès de l’historiographie de l’anarchisme.

Texte suivant :

Chapitre I : Émergence et structuration d’une tendance anarchiste au sein du mouvement ouvrier de Saône-et- Loire. Le temps des « Bandes Noires »(1878-1887)