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II.2 El otro Cristobal et l’esthétique de la démesure

Table des matières

Introduction

Partie I. L’écriture des possibles : l’anarchisme comme opposition au déterminisme

 I.1 Armand Gatti et l’anarchisme : dimensions politique et métaphysique.
 I.2 Ouvrir le champ des possibles contre les déterminismes
 I.3 L’écriture des possibles

Partie II. Une traduction esthétique de l’anarchisme au cinéma, entre visée sociale et expérimentation formelle
 II.1 L’Enclos, une célébration de "l’homme plus grand que l’homme"

II.2 El otro Cristobal et l’esthétique de la démesure

Second film d’Armand Gatti réalisé à Cuba, en 1962, El otro Cristo bal se présente comme une parabole « démesurée » sur la révolution cubaine. Les tensions entre documentaire et fiction en font une œuvre particulièrement intéressante son originalité tient à cet écart entre le caractère fantastique de la fable - seule la dernière phrase de la voix off, à la toute fin du film, explicite la parabole « < [ ... ] c’était Cuba. ») - et sa réalisation qui se fit de plein pied dans la réalité des événements cubains, cet ancrage dans le quotidien du pays influant certainement sur le résultat final et sur l’élan d’enthousiasme que véhicule le film.

Le voyage d’Armand Gatti à Cuba et la réalisation de ce film se firent à l’invitation de l’LC.A.LC. (Instituto Cubano de Arte e Industria Cinematograficos) [1] . Mal compris par les « tenants d’une bureaucratie socialiste naissante [2] », le film d’une durée initiale de quatre heures
est amputé et ramené à une durée plus classique de 105 minutes.

Dans son ouvrage autobiographique, Le vécu et l’imaginaire chroniques d’un homme d’images, Henri Alekan, chef opérateur sur le tournage d’El otro cristo bal, évoque assez précisément les conditions matérielles qui furent celles du tournage :

Le tournage de cette histoire fut particulièrement difficile. Les studios de La Havane ne produisaient plus de films depuis que les meilleurs techniciens avaient quitté Cuba pour les U.S.A. Les matériaux de construction pour les décors faisaient défaut. Plus de peinture, de bois, de toile. Les projecteurs étaient en nombre insuffisant, les lampes usées ou cassées ne pouvaient être renouvelées. Les caméras étaient hors d’usage. Le laboratoire ne fonctionnait que très rarement, seulement pour les films d’actualité en noir et blanc. Il fut nécessaire de tout reprendre à zéro avec un personnel médiocre mais de bonne volonté. Heureusement, Armand Gatti avait fait venir de France, une petite équipe pour encadrer les ouvriers et techniciens cubains. [ ... ] Un soir, les choses se gâtèrent. Nous venions d’apprendre que Cuba était encerclé par la marine américaine. Il était question d’un débarquement sur La Havane. Fidel Castro décréta la mobilisation générale. Toute la nuit, je restai éveillé, contemplant du haut de mon balcon, au dix-huitième étage de l’hôtel Habana Libre, ancien Hilton, où nous logions, les centaines d’hommes, jeunes et vieux, partant en chantant et en dansant rejoindre leur lieu d’affectation. C’était d’une surprenante gaieté, d’une naïveté incroyable. Ce peuple en marche pensait s’opposer avec des équipements dérisoires aux armements modernes des marines et des parachutistes. Mais il y avait l’enthousiasme, et un courage certain. [3]

Cet extrait témoigne des conditions de tournage assez particulières, liées à la fois au manque de moyens consécutif à la situation politique du pays et aux événements révolutionnaires eux-mêmes. Cette situation correspond bien à l’état d’esprit de Gatti, qui privilégie toujours le travail avec et auprès des gens qui sont l’objet de ses œuvres ; en l’occurrence, tourner en plein cœur de l’expérience révolutionnaire cubaine a certainement permis de transmettre au film, malgré les difficultés techniques, l’énergie et l’élan des militants côtoyés au quotidien. Il faut préciser cependant qu’au moment où Gatti et son équipe entreprennent le tournage du film, Fidel Castro s’est déjà emparé du pouvoir, et les anarchistes cubains, très impliqués durant la phase révolutionnaire, ont déjà fui le nouveau régime [4] .

Après l’ordre de mobilisation générale, le tournage étant interrompu, Gatti décida de former une brigade internationale avec d’autres ressortissants étrangers

Armand Gatti fut effectivement en tête de liste de la Brigade internationale, liste publiée dans le journal du soir où l’on trouvait aussi les noms de son assistant et de son ingénieur du son. Dès ce moment, il commença à se laisser pousser la barbe. Le soir, il revint avec un uniforme de milicien, lequel lui allait fort bien.

[ ... ] Le soir, nous allions voir, sur une petite place près du bord de la mer, les hommes en manœuvres, des bâtons sur l’épaule en guise de fusil. Un sous-officier leur apprenait à marcher au pas et à faire des demis-tours. On reconnaissait nos électriciens et nos acteurs, et profitions de nos moments de repos pour discuter avec eux.

[ ... ] Le surlendemain, Gatti arriva triomphant :« C’est merveilleux, nous dit-il, je suis mobilisé à mon poste ! ». Nous lui demandâmes des précisions. « Je suis mobilisé à mon poste de metteur en scène. Le film repart ! » [5]

La réalisation du film a été profondément liée aux événements contemporains ; elle dépendait totalement de leur évolution et des dispositions du gouvernement cubain à l’égard de Gatti. Par rapport non pas au scénario, qui avait été écrit avant l’arrivée sur les lieux, mais à sa fabrication même, à sa réalisation technique. Le film porte la trace de ces événements politiques, moins par son contenu - très peu documentaire - que dans sa matière même : sa réalisation a dû s’adapter aux contraintes matérielles et à l’état d’esprit du peuple cubain à un moment très particulier de son histoire [6].

Comme l’explique Gatti, la réalisation de ce film ne fut possible que grâce à la bienveillance de Fidel Castro à son égard, et fut tributaire des éléments les plus contingents :

Pour moi, c’était une brigade internationale anar qui allait à Cuba faire un film. Heureusement qu’il y avait Fidel Castro, parce que sinon, cela n’aurait jamais pu se faire ! Surtout avec les jeunes politiques de là-bas. Évidemment, je n’étais pas révolutionnaire, j’étais un surréaliste. Pour eux, cela voulait dire un réactionnaire, en tous les cas, c’était comme cela qu’ils raisonnaient. Donc, en me voyant arriver avec ce projet, ils s’y sont vivement opposés. S’il n’y avait pas eu Fidel pour m’imposer, je n’aurais pas pu tourner. [7]

La démarche de Gatti est donc absolument différente de celle du militant dogmatique dévoué à la Cause et voulant faire un usage propagandiste du cinéma, et par là s’affirme déjà sa sensibilité anarchiste qui ne peut se laisser enfermer dans le cadre étroit d’une pensée de parti. En particulier, le recours à l’humour et à la poésie dans El otro Cristobal achèvent d’en faire une œuvre profondément libre, c’est-à-dire non affiliée à un dogme.

Le titre traduit du film est L’autre Cristophe Colomb, en référence à la découverte de l’Amérique et à son statut d’utopie :

Ça se situe directement dans ce monde des libérations, on va vers les Amériques de nouveau, on s’arrête là-bas et on essaie de vivre cette Amérique en tant qu’utopie, et en un sens, le fait que ce fut l’Amérique, l’endroit de découverte de Cristophe Colomb, que ce fut également une révolution, c’était une espèce de triple existence d’une même utopie, à l’intérieur d’une même aventure. [8]

On retrouve là le processus poétique fréquent dans l’écriture de Gatti, qui consiste à créer des ponts entre des événements qui ont eu lieu dans des contextes différents, abolissant les frontières géographiques et temporelles [9] et révélant un même élan libertaire.

L’argument scénaristique d’El otro Cristo bal se découpe en trois phases principales. Du ciel, le dieu Olofi observe la terre. Sur l’île de Tecunuman Anastasio impose sa dictature. Olofi lui jette une malédiction : Anastasio se suicide et se retrouve au ciel où il parvient à renverser le dieu Olofi et à prendre le pouvoir. Le prisonnier politique Cirstobal et ses amis décident de
partir combattre Anastasio et libérer le ciel.

Ce scénario apparaît comme une grande métaphore sur Cuba et ses luttes politiques. Il prend la forme d’un conte, dont les personnages sont emblématiques : Anastasio est le représentant du pouvoir et Cristobal incarne la lutte contre ce pouvoir. Ils ne sont pas individualisés et renvoient
donc à des « postures » antagonistes. En ce sens le film apparaît comme une fable à portée universelle sur le rapport des hommes au pouvoir. Seuls quelques éléments comme la musique et la langue ancrent le récit dans une culture plus typique - celle de l’Amérique latine. Le film présente donc à la fois des éléments d’abstraction forts (personnages-types, statut métaphorique du récit et absence de localisation temporelle et spatiale) et quelques éléments qui tendent à contextualiser davantage, et apparaissent comme des « marques » de la réalité socio-politique très concrète à laquelle renvoie finalement la métaphore.

Le film est construit principalement sur la figure du montage alterné qui permet de suivre l’évolution des événements dans le ciel et sur terre, et de mettre en valeur leurs correspondances - jusqu’à la dernière partie du film où les humains accèdent au Ciel. D’une certaine façon, la construction du film met l’accent sur les phénomènes d’« interactions », et sur les « possibles » (pour reprendre des termes quantiques) qui se cristallisent de deux manières - de façon négative à travers le coup d’état d’Anastasio, et de façon positive à travers le renversement mené par Cristobal. C’est la capacité de l’homme à bouleverser l’ordre établi - que ce soit pour le pouvoir ou pour la liberté - que figure El otro Cristobal. Façon de remettre en cause ironiquement le statut figé de la divinité : le dieu, supposé tout puissant, est renversé sans trop de difficultés par un humain enfui du purgatoire, et il est désigné par la voix off au début du film d’une façon qui inverse le rapport créateur/créatures :« Sur cette sphère suprême que les hommes lui avaient construit avec leurs petites évasions de chaque jour, Olofi ... ».

El otro Cristobal met en place une esthétique qu’on peut qualifier de « démesurée ». Au niveau du scénario, c’est la grandiloquence de la fable, le recours à des figures symboliques, l’aspect intemporel et universel. Au niveau de la mise en scène, la démesure se manifeste à la fois par le cadre, les décors, la lumière, le jeu d’acteur, ... Or, la démesure est une notion souvent employée par Gatti pour qualifier sa démarche d’auteur et sa visée philosophique. Il s’agit de « redonner aux mots et à leurs images leur dimension d’univers », ce que Gatti relie à la capacité de révolte

Démesure de la tâche assignée aux mots.

Démesure : le maître-mot.

Donner aux hommes et à leurs images

leur seule dimension habitable LA DÉMESURE.

Et c’est pour cela qu’ils sont là. Tous. Appelés sur la Place. Convoqués. Non pour le grand mausolée à la gloire des combattants tombés au champ d’honneur de la révolution. Mais parce qu’aujourd’hui sans eux, c’est sans nous. Parce qu’ils sont les ferments, les « échardes messianiques » de cette démesure qui seule donne à l’homme sa dimension d’univers. Parce qu’ils sont les preuves égrenées tout au long du siècle que l’homme n’est homme que lorsqu’il échappe à la pesanteur.

Soyez tous démesurés !
Mort à la pesanteur ! [10]

Chez Gatti, la posture libertaire, reliée à l’écriture des possibles, inclut ce désir de démesure. Le cadre fictionnel d’El otro Cristo bal semble une figuration possible de cette « dimension d’univers » à chercher. Par le biais de la métaphore, il figure en effet les rapports de l’homme à l’univers qui le contient, leurs façons d’interagir. D’une certaine façon, il semble que le film
se soit assigné la tâche de « redonner aux hommes et à leurs images leur seule dimension habitable : la démesure ». L’imagerie - « excessive » - du film, ne consent aucune soumission au « réalisme », et constitue un très bel hymne à la révolte : ce n’est en effet que par elle que l’homme atteint sa dimension d’univers, sa libération véritable.

Le recours à la fiction et cette façon d’évoquer indirectement les événements politiques sont un moyen de leur conférer une plus grande ampleur. D’événements historiques, ponctuels, ils deviennent les représentants d’une révolte plus fondamentale, qui parcourt l’histoire et se présente comme le combat permanent de l’homme pour la liberté.

Ce rapport entre l’esthétique et le politique, Gatti l’évoque lui-même comme point de départ de la réflexion sur le film

Comment trouver une écriture qui parle le langage de cette révolution que nous voyons en train de se faire avec tous ses mythes, ses exagérations, avec ses drames, et avoir cette espèce de souffle, de ton d’épopée qui nous paraissait être le seul convenant, ayant rapport avec la révolution ? [11]

Le caractère de fable du récit, avec ses éléments non réalistes (la figuration du dieu, des anges, etc.), crée d’emblée une esthétique de la démesure, par le biais de l’intemporel et de l’universel, et aussi du mythique. Mais cette dimension induite par le récit est relayée par différents moyens formels.

La plupart de ces moyens peuvent être repérés dès la première séquence du film. Il s’ouvre sur un plan-séquence qui accompagne le générique. La composition de l’image demeure globalement la même tout au long du plan : au fond et au centre de l’image, deux formes arrondies : un premier demi-cercle à même le sol, très proéminent - il occupe en hauteur un peu plus de la moitié du cadre, par le bas - sur lequel est posé un autre objet en forme de cercle - au centre duquel est assis celui qui s’avérera dans le plan suivant être le dieu Olofi - dont le haut est coupé par le cadre et qui tourne sans arrêt sur lui-même. Ce premier plan présente déjà une composition extrêmement travaillée (voir l’illustration IL3(a) page suivante). Verticalement et horizontalement, l’image se divise en parties à peu près symétriques au début du plan : en haut et en bas en fonction de ces formes arrondies, à gauche et à droite de celles-ci. Il est important

que cette symétrie demeure très approximative, créant un effet un peu bancal, appuyé par le cadre penché. Tout au long du plan, la caméra effectue de légers mouvements latéraux vers la droite ou la gauche, modifiant la place du dieu dans le cadre. À la fin, il est n’est plus du tout situé au centre mais dans la partie gauche de l’image (voir l’illustration IL3(b)).

Le demi-cercle du bas présente un caractère très massif, accentué par la composition du cadre.

La rotation ininterrompue du cercle supérieur procure également le sentiment de l’importance du personnage qui y siège : les décors et la composition présentent d’emblée un caractère excessif, « grandiose ».

a b
Illustration II.3 : El otro Cristobal : l’-evolution du premier plan.

(a)

(b)

Illustration 11.3 : El otro Cristobal : l’évolution du premier plan.

Au premier plan, une procession d’hommes poussant d’étranges machines et de grands panneaux blancs défile lentement, masquant sporadiquement la figure du dieu. Le cadre, s’il n’est pas fixe, demeure à peu près le même durant tout le plan. Les personnages défilant au premier plan entrent dans le cadre puis le quittent, les uns après les autres : ce mouvement redouble le mouvement du cercle mais s’en distingue par son caractère changeant, alors que le cercle demeure stable. Le plan crée donc, par sa composition, une sorte de dialectique mouvement/stabilité, changement/permanence, qui semble figurer l’univers lui-même.

Ces mouvements et leur situation dans le cadre expriment aussi les rapports de pouvoir la procession semble à la gloire du dieu central, et les hommes qui défilent sont des figures interchangeables, dont on ne voit jamais les visages de face.

La variation s’insinue aussi dans le mouvement de procession, malgré la démarche très régulière des figurants : au début du plan ils se dirigent vers la gauche du cadre, puis changent de sens, et ce changement se répète à nouveau au cours du plan. Cet effet s’intègre à l’ensemble des effets créant de l’aléatoire dans la mise en scène, et créant par là même du rythme au sens de modulation, de déséquilibre [12] (la notion de rythme dans la vision deleuzienne s’opposant à celle de mesure :« le rythme est soigneusement distingué de la mesure, il ne se caractérise pas par les notions de régularité et de symétrie, par la régularité et la stabilité de la répétition de ses éléments mais plutôt comme une pulsation contrastée constamment différente et renouvelée. [13] »).

Les figures en forme de sphères et la circularité figurent immédiatement le mouvement des planètes. La dimension cosmologique de la fable est sensible d’emblée, et les décors présentent un caractère fantaisiste proche de l’esthétique de Méliès auquel Armand Gatti rend hommage dans un texte intitulé L’homme de Montreuil, où il célèbre l’aspect féérique de l’œuvre du cinéaste

Dans deux de nos longs-métrages (El otro Cristobal tourné à Cuba, et Ubergang über den Ebro tourné en Allemagne) nous nous étions donnés comme règle la débanalisation de l’image, sa déphotographisation tout en allant dans le sens de sa spécificité cinématographique. Indépendamment des trucages et manipulations qui, contre le perfectionnisme photographique, sont l’âme du Cinéma, de quoi s’agit-il plus spécialement dans cet Homme de Montreuil ?

D’une image résolument cubiste. Non pour se remettre à l’esthétique picturale (on cherchera en elle ses manques) mais parce qu’elle détruit le sujet pauvrement unique que privilégient les lumières au profit d’une révélation multiple et à différentes échelles du même sujet. [14]

Gatti se situe donc lui-même - pour ces deux films du moins - dans l’héritage de Méliès et d’une esthétique basée non sur le réalisme photographique mais sur le spectacle fantaisiste. Opposition qu’il replace dans son contexte historique :

Bagarre qui dégénérera et couvrira l’affrontement dû à l’antagonisme entre film de fantaisie et film d’actualité, rejoignant la rivalité entre documentaire et fiction aussi vieille que les griffes de la première caméra de Louis Lumière [15].

Tous les films de Gatti, qu’ils soient plutôt œuvres de fiction ou documentaires, présentent un statut très particulier entre ces deux registres du cinéma.

El otro Cristobal est sans conteste le plus « fantaisiste » de tous. Ses décors non réalistes nous plongent du côté de l’imaginaire, assez loin de l’aspect documentaire du cinéma. Pour le cinéaste il s’agit de dire quelque chose de la révolution cubaine, sans recourir à aucun discours pédagogique.

Démarche qu’on peut mettre en rapport avec cette citation de Gatti, concernant le projet de film sur Méliès :

Cent ans de cinéma lorsqu’ils basculent dans les paroles des humains (que nous sommes) ont droit au souffle épique. Même s’il doit être plus proche d’Helzappopin que de Dix jours qui ébranlèrent le monde  [16].

Dans El otro Cristobal, l’épique se manifeste par la fantaisie, le burlesque, la satire, qui font écho aux événements historiques sans les redoubler. Ils les transposent plutôt, sur un autre mode et leur donnent un souffle supplémentaire.

La fantaisie apparaît comme un moyen pour le cinéma d’accéder à la poésie, de révéler des aspects du réel que seul l’art peut appréhender, plutôt que de se soumettre à « la réalité ». On peut, dans ce cadre, penser l’opposition documentaire/fiction en ces termes.

Le premier plan d’El otro Cristobal se caractérise aussi par son cadrage de biais. L’inclinaison du cadre demeure pendant toute la durée du plan, mais change de côté peu avant la fin. Ce type de cadrage sera très présent tout au long du film : il en constitue une des marques stylistiques les plus fortes. Quasiment tous les plans du film présentent un cadre penché vers la gauche ou la droite. Ces plans de biais jouent un rôle important dans l’esthétique « baroque » du film. Ils concourent à créer ce sentiment de « démesure ». L’esthétique du film se range aussi du côté de la profusion, visuelle et sonore. L’image est souvent pleine - dans ce plan, le fond, le centre et le premier plan de l’image sont sans cesse occupés par les corps et les objets qui évoluent à l’intérieur du cadre - et l’ambiance sonore est assez riche. L’enthousiasme militant trouve ici une sorte d’équivalent esthétique, dans cette symphonie d’images et de sons qui relatent l’aventure épique de Cristobal.

L’inclinaison du cadre qui se modifie en cours de plan procure au spectateur une sensation de flottement et d’aléatoire, qui semble figurer les multiples possibilités qui se présenteront dans la diégèse, avec ses profonds bouleversements de situation. Cela correspond au propos, profondément « possibiliste », du film : l’idée qu’il n’y a pas de situation stable une fois pour
toutes, et que tous les possibles sont ouverts. L’esthétique d’El otro Cristo bal est une esthétique de l’instabilité, mais d’une instabilité positive ; elle crée une certaine euphorie - par le rythme, le mouvement, la profusion ...

La musique joue également un rôle important dans l’ouverture du film. Il s’agit d’une musique cubaine traditionnelle, qui contraste avec les éléments visuels de la scène par son aspect contextualisant. Globalement, c’est par le son que s’exprime dans l’ensemble du film la référence à l’Amérique latine, l’image ayant une fonction beaucoup plus décontextualisante. Cet écart permet au film d’exprimer quelque chose d’un « esprit » cubain tout en laissant le récit atteindre une portée plus universelle. D’une certaine façon, et surtout dans les séquences qui ont lieu au Ciel, la musique prend en charge l’aspect plus « documentaire » du film, sa référence à une culture particulière.

Dans ce premier plan, les différentes phases de la musique créent un effet de contraste par rapport à la régularité des mouvements visuels. Tantôt enjouée, tantôt mélancolique, elle instaure différents climats et confère à l’image différents sens au cours du plan.

On peut relever sept phases musicales principales. La chanson s’ouvre sur un solo de guitare dont la phrase ascendante d’une certaine manière « ouvre » musicalement le film. Répondent ensuite à la guitare les percussions, qui entreprennent un court dialogue interne, produisant pour l’auditeur un effet d’attente. Dans une troisième phase, la guitare reprend son solo, d’abord en une phrase descendante qui fait retomber l’interrogation ouverte par sa première intervention, puis réitère aussitôt sa montée. Après quoi percussions et guitare reprennent ensemble, produisant tout à coup un effet de quantité et de rythme fort. La musique crée donc dans un premier temps des effets d’attente, des montées et des retombées : le motif principal ne se donne pas à entendre d’emblée, comme si la musique hésitait à se lancer. Dans la cinquième phase un nouveau motif apparaît ainsi que des chœurs féminins qui scandent plusieurs fois le même mot d’une façon résolue. Ceux-ci s’interrompent ensuite pour laisser la guitare effectuer une phrase descendante comme celle de sa seconde intervention : l’intensité retombe à nouveau. La septième phase musicale intervient alors, avec l’apparition de la voix féminine principale, qui prend maintenant en charge la mélodie - assez lente et mélancolique dans un premier temps, se calquant en quelque sorte sur les mouvements des corps, puis beaucoup plus enjouée. Ces changements de tonalité modifient la perception qu’a le spectateur de la scène, à laquelle il ne peut pas encore donner de signification : quand la musique est lente, les mouvements des hommes semblent exprimer un caractère laborieux, alors qu’au moment où elle s’anime la scène donne plutôt l’impression d’une organisation enjouée des hommes. Cet effet recoupe les effets de flottement, de non fixation du sens, que nous avons analysés concernant le cadre d’un côté et la musique de l’autre. Les chœurs et le chant très expressif de la voix principale confèrent un aspect assez grave à la scène, ce qu’appuie le genre traditionnel de la musique : ces voix peuvent apparaître comme les portes-paroles de tout un peuple, porteurs d’une histoire.

On peut remarquer également l’opposition entre l’image, dans laquelle figurent exclusivement des personnages masculins, et les voix uniquement féminines. Cette opposition semble recouvrir celle entre l’expression très vivante et émotive du chant et la démarche très réglée des personnages. De façon générale, le film se présente comme un hymne à la vie - avec ses difficultés et ses incertitudes - à travers l’opposition Ciel/Terre : à la fin, Cristobal à qui l’on a confié un « emploi » important dans le Ciel, choisit de s’enfuir et de retourner sur terre. Il préfère décidément les aventures humaines au rythme monotone de l’existence céleste.

Tous ces différents éléments concernant le cadre, la mise en scène et la bande sonore de ce premier plan se retrouvent régulièrement dans le film, participant à l’esthétique de la démesure.

La notion de démesure se manifeste aussi à travers l’humour et le burlesque, qui représentent la tonalité dominante du film.

Le burlesque en tant que genre présente souvent un potentiel subversif fort, que ce soit chez Chaplin (critique du travail industriel, anti-nationalisme profond, hymne à la liberté s’opposant aux uniformes, ... ) ou chez un cinéaste aux tendances libertaires comme René Clair (À nous la liberté, 1931). L’humour et la satire y sont des armes contre l’autorité et les règles établies, auxquelles ils opposent un esprit libre et ludique, un second degré offrant à l’individu une libération plus « positive » que celle d’un discours militant didactique et sérieux.

Si El otro Cristobal n’est pas assimilable à un « genre », burlesque ou autre, il recourt au burlesque à de nombreuses reprises ; sa liberté de ton et son aspect excentrique passent aussi par là.

La bande son du film présente quelques airs récurrents, diégétisés - que ce soit l’air de l’orgue, le motif du « lamento », etc. - et prenant une valeur symbolique associée à tel ou tel élément du récit. Le cas le plus frappant est celui de l’orgue, l’un des éléments les plus burlesques du film et dont le ressort comique est directement associé au son. L’orgue suit Cristobal et son
ami tout au long de leurs pérégrinations, et se déclenchant inopinément manque régulièrement de trahir leur présence. Voilà une situation-type qui intervient à plusieurs reprises, redoublant l’effet burlesque par le jeu de la répétition.

Le comique tient à la fois à la maladresse (comique de la gestuelle des personnages tentant maladroitement de faire taire l’instrument ou de se cacher aux yeux de leurs « ennemis ») et au caractère incongru de la présence d’un orgue en situation « révolutionnaire ».

Illustration II.4 : El otro Cristobal : la première utilisation burlesque de l’orgue

D’une certaine façon, cela tend à désacraliser la dite révolution, à humaniser le personnage de Cristobal et à mettre en scène sa révolte comme un élan positif et vital.

L’instrument de musique est parfois associé à un effet cinématographique qui accentue le côté burlesque et fantaisiste des scènes, notamment l’accéléré. C’est le cas dans la scène où Cristobal et son ami parviennent à s’enfuir à bord d’une voiture. Cette scène se situe peu après la mort du dictateur Anastasio et la sortie de prison de Cristobal. Celui-ci et son compagnon cherchent à fuir en emportant l’orgue de ce dernier. La situation est en elle-même cocasse : le fait, pour des personnages qui ont intérêt à être le plus discrets possible, de s’encombrer d’un instrument de musique dont l’utilité ne va certes pas de soi, est un élément poétique très « gattien », qui consiste précisément à relativiser la notion usuelle d’utilité et à la déplacer sur des éléments plus symboliques - de même que l’arbre, par exemple, prit une importance considérable dans le cadre du maquis et de la résistance. L’orgue apparaît ainsi comme une des nombreuses figures auxquelles le poète confère un statut poétique transcendant le statut quotidien ; il représente l’élan de révolte mais aussi l’humanité et le sens de la poésie de Cristobal et de son compagnon.

La première scène dans laquelle apparaît l’orgue comme élément burlesque présente un certain nombre d’éléments de mise en scène qui servent sa dimension subversive.

Les quatre premiers plans fonctionnent en montage alterné entre Cristobal et les militaires qui l’accompagnent, et d’autres militaires qui se trouvent près d’un véhicule. Dans le premier plan, on voit d’abord au loin des silhouettes qui traversent un pont vers la gauche, transportant l’orgue : c’est le compagnon de Cristobal, dont on a appris dans la scène précédente qu’il était parti récupérer son instrument. Peu après, Cristobal surgit par la gauche du cadre. Les deux acolytes se croisent donc à l’intérieur du cadre, et semblent s’éloigner l’un de l’autre puisqu’à la fin du plan l’orgue et ceux qui l’accompagnent ont quitté le champ. En réalité les personnages se retrouvent hors-champ, puisque trois plans plus tard ils s’éloignent ensemble à bord d’un tank : ce faux éloignement, et le fait que le montage élude le moment où les personnages se retrouvent et montent sur le véhicule, semble fonctionner comme une sorte de pied de nez aux militaires ; c’est le montage lui-même qui crée l’humour, en insistant sur le temps que mettent les militaires à réagir (voir l’illustration II.4 pages 72 et 73).

À la fin du premier plan, on entend une voix hors-champ comme une voix de radio qui continue pendant les quatre plans en montage alterné. Cette voix annonce le couvre-feu soi-disant décrété par le dictateur Anastasio (mort en réalité) et donne à la scène un aspect faussement documentaire. De façon générale, les scènes se situant sur Terre dans le film contrastent avec l’esthétique du Ciel, et le son en particulier subit un traitement assez « réaliste ». Ici, les éléments de réalisme contrastent avec la situation scénaristique et la tonalité burlesque de la scène. Le cadre un peu tremblant, notamment dans le quatrième plan où la caméra, qui filme les militaires près de leur véhicule, opère ensuite un panoramique-travelling qui fait entrer dans le cadre le tank sur lequel sont montés Cristobal et son ami, va aussi dans le sens de l’aspect documentaire de la scène, comme un film tourné caméra à l’épaule : le côté burlesque ressort davantage à l’intérieur de ce cadre, il vient en quelque sorte bouleverser l’ordre « réaliste » de la ville.

La voix off, anonyme, intervient au cours du quatrième plan, précédant en quelque sorte le discours de l’image puisque aussitôt après nous voyons les deux hommes descendre du tank : « L’idée de s’enfuir sur un animal aussi stupide qu’un tank aurait pu réussir. Malheureusement, il y eut une panne ». Cette phrase, proférée d’un ton lent et un peu nonchalant, invite le spectateur à considérer la scène d’un regard un peu distancié qui appuie son caractère cocasse. Elle souligne le rôle du hasard et l’imprévisibilité des événements, et fonctionne un peu comme une parodie de film à suspense : elle ajoute en effet à l’image un certain suspense en la précédent de quelques secondes, mais le débit un peu « blasé » réduit cet effet de suspense et le tourne plutôt vers la dérision.

Un raccord dans le mouvement (par rapport à la trajectoire de Cristobal et son compagnon qui s’enfuient) nous fait passer au plan suivant. En plan moyen, on voit les deux hommes poser l’orgue à terre, se cacher un instant derrière puis en sortir lentement chacun de leur côté et en même temps. Cet effet de symétrie et cette chorégraphie burlesque créent un comique purement visuel, de même que l’opposition entre l’échelle de ce plan-ci et du précédent accentue cette dimension burlesque. D’une façon générale, comme dans les films burlesques, les plans larges ou moyens sont privilégiés afin de mettre en valeur la gestuelle des personnages et le rapport des corps à l’espace.

L’orgue se met en marche inopinément, cognant par la même occasion l’œil de Cristobal. La fixité du cadre permet de suivre la scène en portant toute l’attention sur ces incidents comiques. Elle permet aussi d’insister sur la distance entre les fugitifs et les forces de l’ordre, qui arrivent toujours quelques secondes trop tard : après l’enclenchement de la musique, les deux hommes reprennent l’orgue et courent vers le fond du cadre ; peu après, les policiers entrent dans le cadre (un petit groupe par la gauche, l’autre par la droite) en sifflant, et se lancent à leur poursuite. Ils échangent un certain nombre de paroles non traduites. D’une façon générale dans ces séquences « sur Terre », le son fait l’objet d’un traitement assez réaliste (on retrouve les bruits quotidiens d’une ville) et prolifique (sifflets, paroles, bruits de circulation, etc. créent une ambiance sonore assez chargée et très vivante).

Dans le plan suivant la caméra change d’axe. Cristobal et son compagnon entrent dans le champ par la droite, en plan de demi-ensemble. À mesure qu’ils approchent, le son de l’orgue devient de plus en plus fort, obéissant donc à un traitement réaliste par rapport à l’espace. Un panoramique accompagne les personnages jusqu’à la voiture où ils placent l’orgue avec l’aide d’un troisième homme. Au moment précis où l’orgue est déposé la musique cesse, créant un effet de suspens.

On passe ensuite (en raccord cut) à un plan sur deux femmes qui se dirigent vers la voiture et que la caméra accompagne par un panoramique vers la droite. Ce sont une mère et sa fille, amies du dictateur Anastasio et qui croient le rejoindre. La voix off intervient à nouveau : « Les erreurs d’appréciation d’un policier entraînent toujours des suites imprévisibles. Ce devait être le cas ce matin-là », produisant les mêmes effets que précédemment (caractère prédictif du texte, ton un peu blasé de l’énonciation, évocation du caractère hasardeux des événements), avec l’allusion irrévérencieuse au manque de jugement des policiers (leurs « erreurs d’appréciation ») évoqué comme un fait général.

La voiture quitte le champ par la droite. Peu après surgissent les policiers par la gauche même effet que dans le cinquième plan concernant les entrées et sorties de champ. La caméra par un panoramique suit le mouvement des policiers vers la droite, jusqu’à ce que la voiture et les policiers se trouvent réunis dans le cadre. On se retrouve en plan d’ensemble pour suivre la course poursuite.

De nouveau un raccord dans le mouvement introduit un autre plan d’ensemble, filmé depuis un autre axe de prise de vue, en plongée. Mouvement panoramique pour suivre la voiture qui arrive au premier plan : elle bute sur un panneau et l’orgue se remet en marche, faisant résonner à nouveau le même motif musical, leitmotiv du film. Cet air assez festif et insouciant est associé aux personnages en fuite, du côté de la vie, du spontané, tandis qu’à la police, autoritaire et bornée, s’associent les coups de sifflet stridents.

À partir de ce moment là, l’image subit une accélération qui fait encore surgir le burlesque de la matière même du film. Cette accélération confère aux corps courant après la voiture un aspect un peu ridicule, de même qu’à la voiture qui semble parodier les films de courses-poursuites. Les bruits des crissements de pneus exagérés paraissent de leur côté narguer les policiers, aux cris et aux sifflets impuissants. L’appel de la femme, proféré d’une petite voix aigüe :« Police ! Police ! On nous enlève ! », appuie l’aspect parodique et achève de ridiculiser les forces de l’ordre.

Enfin le dernier plan, introduit une fois encore par un raccord dans le mouvement, laisse la voiture quitter le cadre et les policiers demeurer seuls sur la route. Là encore les jeux de champ et de hors-champ sont importants pour créer l’effet de dérision et opposer le caractère libertaire de Cristobal et son acolyte aux tentatives liberticides des policiers. Les nombreux raccords dans le mouvement et l’absence de raccords dans l’axe dans cette scène participent de son dynamisme fort, cette esthétique dynamique s’associant au comique des situations.

L’utilisation de l’accéléré apparaît à plusieurs reprises dans le film, notamment dans la scène où après avoir été arrêté Cristobal parvient de nouveau à s’enfuir par les égouts. L’accélération ajoutée à la démarche un peu bringuebalente de Cristoballui donnent très nettement l’allure du personnage de Charlie Chaplin. El otro Cristobal adresse ainsi au spectateur un certain nombre de clins d’œil cinématographiques, qui en font aussi une réflexion sur le cinéma, ses genres et ses moyens, dans le cadre d’une esthétique qui précisément ne se laisse circonscrire dans aucun genre.

La dimension parodique apparaît de façon encore plus visible dans une scène qui précède de peu celle de l’orgue, et où l’on retrouve le dictateur Anastasio parmi les morts qui au purgatoire jouent (aux dés) leur entrée au paradis ou en enfer. Le caractère très irrévérencieux de la situation en elle-même, parodiant la religion et sa comptabilité de bonnes et mauvaises actions, s’associe à un certain nombre de procédés qui produisent une atmosphère à la fois onirique et décalée. Ici la démesure tient en effet à l’outrance et à l’étrangeté ; elle est assez caractéristique de l’atmosphère de l’ensemble des séquences se déroulant au ciel.

Elle intervient de la façon la plus évidente à travers l’ambiance sonore, l’utilisation des voix et du silence en particulier. Au début de la scène, Anastasio déambule seul au milieu d’une grande salle dans laquelle une foule éparse joue ou attend. Quelques voix isolées se font entendre dans le silence de la salle, qui confère d’emblée à la scène un caractère irréel (on attendrait plutôt un brouhaha émanent des groupes de gens). Cette ambiance sonore souligne l’aspect un peu amorphe des personnages, et crée la sensation un peu vague et vaporeuse d’un rêve.

Lorsque dans le cinquième plan de la scène une femme accourt vers l’amiral et l’assaille de paroles, sa voix résonne dans le vide ambiant et parait amplifiée, ce qui lui donne le statut d’une apparition onirique. Cela est renforcé par le jeu volontairement outrancier de l’actrice, au débit très rapide et de plus en plus hystérique. Ses respirations bruyantes et ses gestes (elle pose ses mains sur l’homme comme dans un élan tactile irrépressible et finit par l’embrasser) confèrent à la scène un caractère sexuel assez évident. L’hystérie qui s’empare de la femme et son attitude impulsive à l’égard de l’homme relèvent surtout du cauchemar. Son allusion aux « gens bien fournis » qui pourraient aller directement au Ciel mais dont la « soif de sainteté les dévore » parodie le sentiment religieux, perçu comme un business. L’évocation de cette « soif », associée aux bruits de suffocation de la femme - donc au caractère sexuel de son comportement - constitue une audace supplémentaire. Le « surjoué » dans ce type de scènes permet la caricature (à laquelle se prête bien l’absence de psychologie) mais aussi un certain onirisme figurant les aspirations les plus générales de l’homme (le Ciel concentrant tout les enjeux de pouvoir et de liberté). Il a en tout cas valeur de généralisation et permet de figurer des scènes non réalistes, métaphoriques. Outre l’aspect satirique ou burlesque du film, son élan libertaire se manifeste aussi par cet accès à une poésie excentrique et exaltée.

Alors que la voix de la femme continue de se faire entendre hors-champ, un plan sur un autre groupe d’hommes coupe la scène en cours avant que la caméra revienne sur Anastasio. Les séries de plans découpant différentes parties de l’espace et donnant à voir différents groupes d’individus dans la salle constituent un montage un peu « décentré » de l’action principale et du personnage d’Anastasio, qui s’amplifie après qu’Anastasio et ses deux acolytes aient mis par leur tricherie la salle entière sens dessus dessous : ce montage à la fois accentue le sentiment de désordre grandissant, et permet un regard distancié du spectateur par rapport au personnage de l’amiral.

Les nombreuses manifestations de foule expriment le statut d’automates des individus qui la composent, et dont les réactions de groupe paraissent mues par les mêmes mécanismes les gens se taisent, suivant l’évolution du jeu, puis applaudissent tous ensemble ; tous commencent à s’agiter en même temps à la fin de la scène. La caméra souligne ces comportements de foule
par les plans rapprochés sur les mains notamment (quand les hommes jouent ou applaudissent).

Au moment du soulèvement général, qui apparaît comme une parodie de mutinerie où les hommes se battent à l’aide des baguettes de jeu, leur attitude de pantin est exacerbée : l’affrontement est totalement théâtralisé, les attitudes risibles et caricaturées de manière à réellement figurer une « masse ».

Dans le film, outre Anastasio qui y parvient mais dans le domaine du pouvoir corrompu, Cristobal et ses compagnons sont les seuls personnages capables de projets individualisés et de « se mesurer à Dieu », par leur créativité politique. Concernant Anastasio, cette scène est celle où son cynisme transparait dans toute son ampleur : à son compagnon qui lui apprend
qu’« ici, on ne peut tuer personne », l’amiral répond avec détermination « Il faudra changer tout ça ! ».

Une autre occurrence de la « démesure » se manifeste à travers les passages de type comédie musicale, au statut eux aussi parodique.

Le motif musical associé aux hommes de pouvoir, dans la scène de réunion entre décideurs politiques qui a lieu peu après celle de l’orgue précédemment étudiée, apparaît comme une référence aux comédies musicales américaines les plus typiques, et contraste fortement avec les autres motifs musicaux du film, comme les airs cubains associés au ciel ou le motif de l’orgue. La musique intervient dans l’ensemble du film de façon très symbolique, représentant les différentes « forces » qui s’affrontent. Elle participe clairement de la dimension de conte du film. On peut noter qu’en même temps de nombreux chants sont issus de différentes cultures, africaine et chinoise en particulier, le film relayant par la bande son une sorte d’internationalisme [17]
(présent aussi par le mélange de personnages blancs et noirs, la référence au « péril jaune » des dirigeants de Tecunuman). Hormis le jazz qui intervient dans cette séquence-ci, les autres musiques appartiennent à des traditions plus anciennes ; elles participent donc en même temps de l’aspect intemporel. Les cultures les plus « représentées » par la musique sont celles qui ont constitué « l’instinct poétique cubain dû au mélange espagnol, noir, saupoudré de chinois et de pré-colombien [18] », selon les mots d’Armand Gatti.

Dans l’ancien palais présidentiel d’Anastasio, les chefs de Tecunuman se réunissent avec des chefs étrangers pour signer des accords concernant la construction de canaux dont l’enjeu économique et politique semble très grand. La scène musicale, qui s’insère elle-même à l’intérieur d’une séquence plus longue entrecoupée de plans sur la voiture qui emporte Cristobal (sur le mode d’un montage alterné, caractéristique du film dans son ensemble), est filmée en deux plans. Le premier plan présente une composition très travaillée. Sur la gauche de l’image, la tribune et l’homme qui s’y tient forment une ligne verticale, accentuée par la contre-plongée. À droite et en bas une série d’hommes assis forme une ligne horizontale. Ces deux lignes représentent clairement le pouvoir d’un côté, le troupeau complice du pouvoir de l’autre. La composition du plan désigne ainsi la hiérarchie et le pouvoir.

On entend d’abord l’homme à la tribune annoncer à tous la décision finale à l’issue de la réunion (la construction, pour mettre d’accord tout le monde, non pas d’un mais de trois canaux). Les hommes assis se lèvent tous en même temps pour applaudir. Puis commence la musique, la première partie instrumentale, tandis que l’homme recommence à bouger les lèvres sans qu’aucun son n’en sorte plus. La musique vient en quelque sorte parasiter le discours politicien pour exprimer le triomphe mégalomane des décideurs. Le discours est ainsi montré dans son caractère profondément factice et manipulateur. En définitive, seule s’avère décisive la soif de pouvoir des chefs.

La caméra se focalise ensuite, dans le deuxième plan, sur la figure d’un des politiciens, au moment où débute le chant. D’abord assis quand débute la chanson, la caméra reste fixe plusieurs minutes ; puis l’homme se lève et se dirige vers l’estrade : la caméra opère alors un travelling latéral d’accompagnement. Tandis que la chanson continue, un lent travelling arrière nous donne peu à peu à voir la salle - immense - dans son ensemble, les personnages apparaissant donc de plus en plus petits à l’image. Finalement surgissent au premier plan les animaux du ciel dont on entend les cris stridents, et qui introduisent à la scène suivante qui se déroule justement au ciel les politiciens apparaissent par cette association d’images dans leur caractère vain et dérisoire.

Ce mouvement de caméra qui suit lentement le personnage et sans rupture, se caractérise par sa fluidité. Celle-ci souligne l’aspect à la fois nonchalant et prétentieux du personnage, profondément antipathique. Le statut de la caméra se modifie en fait en cours de plans : dans un premier temps, elle se contente de suivre à distance le personnage, dans une visée descriptive
(c’est en quelque sorte par son côté non-interventionniste qu’elle appuie l’ironie et la parodie prises en charge par la musique et le jeu d’acteur) ; puis dans la seconde partie du plan, la caméra opère un panoramique vers le haut pour filmer les personnages en contre-plongée lorsque le politicien monte sur l’estrade, et le lent travelling arrière - la caméra s’autonomisant alors
par rapport au personnage - prendra une fonction de distanciation ironique. La contre-plongée souligne la mégalomanie des personnages dans ce décor somptueux. La petitesse des personnages dans l’immensité du lieu à la fin de la scène a valeur humoristique et renverse les valeurs : les politiciens tout puissants apparaissent dans leur dimension profondément risible.

Le fait que le chant soit en anglais, ce qui suggère que les politiciens de Tecunuman s’allient aux américains pour affaires, a son importance. C’est une des rares références directes dans le film à la « réalité ». C’est une façon pour Gatti d’évoquer les enjeux politiques réels tout en restant dans le domaine de la fable, le mode décalé de la chanson (avec dans les paroles
de la chanson l’allusion à 1’« American way of life ») lui permettant de ne tomber ni dans le « discours », ni dans le réalisme social qu’il fuit absolument, l’enjeu étant d’y échapper tout en trouvant une esthétique coïncidant avec les aspirations révolutionnaires :

À notre arrivée à Cuba, nous avions certaines intentions. Nous pensions apporter une expérience. Révolution et réalisme socialiste allaient de pair, et échapper au réalisme social, c’était devenir petit-bourgeois, esthète. C’était une voie sinon encombrée du moins pas très juste, d’un poids écrasant. On n’était pas d’accord avec cette formule. C’est justement pour cela que l’équipe s’est constituée en « brigade internationale » : pour essayer de rentrer dans le langage révolutionnaire, trouver dans l’expression révolutionnaire quelque chose qui parut coïncider avec les désirs, les aspirations, un langage qui fût synchrone avec la révolution (et non pas ce réalisme socialiste qui nous paraissait très vétuste, étouffant). [19]

L’esthétique de la démesure, au service d’une vision de l’homme plus grand que l’homme, apparaît aussi très nettement à travers le traitement formel de l’image. Les scènes peuvent être divisées selon deux types de figuration très différenciés : d’un côté celles qui font l’objet d’un traitement visuel extrêmement travaillé et absolument pas réaliste, c’est-à-dire celles qui se déroulent au Ciel, de l’autre les scènes filmées en décors naturels et « réalistes » visuellement (même si un certain nombre d’éléments absurdes interviennent). Mais outre cette première opposition visuelle, qui est la plus évidente et permet de bien caractériser le Ciel et la Terre, une autre opposition apparaît davantage au niveau du cadrage, qui ne correspond plus exactement à l’opposition entre les deux espaces : c’est l’opposition entre les plans au cadrage penché et les plans « droits ». Les cadrages penchés notamment, et les fortes plongées ou contre-plongées, sont utilisés systématiquement dans les scènes qui ont lieu sur la « sphère suprême ». Les scènes sur Terre, pendant les trente premières minutes du film, font au contraire l’objet d’un cadrage plus classique. À partir du moment où Cristobal décide de partir à l’assaut du Ciel, les plans qui mettent en scène cet élan de révolte subissent le même type de cadrage penché que les scènes du Ciel. Ce cadrage est donc associé à l’idée d’élévation, de verticalité et de liberté, à la démesure du combat révolutionnaire dont la libération du Ciel est l’enjeu.

La séquence qui débute lorsque le dictateur Anastasio pénètre dans l’avant-dernière sphère présente un certain nombre de traits stylistiques propre à cette esthétique « démesurée » (voir l’illustration 11.5 pages 82, 83 et 84). Elle se caractérise déjà par le gigantisme : le premier plan, très large, donne à voir les deux personnages tout petits à l’arrière-plan. Leur visage se situe complètement dans l’ombre alors que des faisceaux lumineux clignotent tout autour d’eux, ce qui contribue à souligner la petitesse des hommes qui s’apprêtent à prendre le pouvoir, et le rapport de force qui s’établit entre ceux-ci et l’espace céleste. On retrouve les lignes diagonales créées par le cadre penché qui procurent un sentiment de déséquilibre, ainsi que le mouvement de caméra qui fait basculer le cadre d’un côté à l’autre en cours de plan : l’idée de démesure se manifeste par le bouleversement des perceptions « normales ». Les nombreuses formes circulaires - avec la présence des petits cercles clignotant à l’intérieur du grand cercle - figurent la dimension cosmique de la parabole.

Dans le plan qui suit apparaît très nettement l’influence de Méliès dans le traitement des éléments fantastiques, avec une esthétique très théâtrale : par le fond noir sur lequel ressortent les figures blanches, et l’aspect très primaire de ces figures représentant la lune et les étoiles. Bricolées avec peu de moyens, elles rappellent le côté naïf et l’univers enfantin des fééries de
Méliès. Aucune crédibilité n’est recherchée dans la mise en scène du Ciel ou de l’univers ; il s’agit au contraire de se situer délibérément du côté de la fable, de la poésie et de l’imaginaire, en faisant réapparaître une sorte de magie de l’image cinématographique. Ce traitement du Paradis comme lieu « prosaïque » relève aussi de l’ironie [20], qui désacralise aussi bien la divinité que la figure du révolutionnaire dans le film (notamment à travers l’empaillage de Cristobal à la fin, qui figure le danger de tout phénomène d’héroïsation).

Le mouvement de la lune et des étoiles qui quittent le cadre par le haut - et celui du soleil qui le quitte par le bas - tandis que le plan reste fixe évoque aussi une sorte de plaisir primitif du cinéma dans ce jeu de « cacher-montrer ». La dimension libertaire du propos est liée également, dans ce film, à cette liberté imaginative et poétique, qui confère aux événements révolutionnaires une portée beaucoup plus universelle.

Les quatrième et cinquième plans nous ramènent sur tTerre, où l’insurrection ne va pas tarder à éclater sous l’impulsion de Cristobal. Jusqu’à présent, les scènes se déroulant à Tecunuman ont fait l’objet d’un type de cadrage assez conventionnel, et il semble que ce cadrage puisse être associé à la « petitesse » du pouvoir sur terre. Les plans mettant en scène des politiciens
ou des policiers sont souvent très « sages », en comparaison des plans au cadrage « excessif » des scènes qui ont lieu dans le ciel. Ici, le cadrage inhabituel vient contaminer les scènes plus réalistes, comme une manière de figurer visuellement cet élan de révolte qui fait « l’homme plus grand que l’homme ». Outre les décors, l’opposition esthétique se fait surtout par le biais de la lumière, unifiée et « réaliste » dans ces plans. Mais l’usage de fortes contre-plongées, les lignes verticales créées dans le premier plan par le pont et les longues herbes au premier plan, et dans le second par les poutres et la forme élancée de Cristobal, les rapprochent plastiquement des
plans précédents. Les éléments esthétiques que sont le cadrage et la lumière notamment sont utilisés pour figurer l’élan révolutionnaire, dans une correspondance profonde entre la forme et l’idéologie du film.

El otro Cristobal, qui est à la fois œuvre de fiction et d’une certaine façon témoignage sur la révolution cubaine, mêle aussi, comme toujours chez Gatti, une dimension collective et une dimension autobiographique fortes.

Illustration II.5 : El otro Cristobal : l’esthétique visuelle de la démesure.

La dimension collective réside dans ce souci de trouver la forme adaptée à une situation vécue collectivement, la révolution. L’autobiographique, c’est notamment la présence de la baleine qui apparaît à plusieurs reprises dans les scènes au ciel, et qui est un hommage à la baleine de son père Auguste. En Patagonie celui-ci avait participé à la constitution d’un « État » libertaire, aux côtés de gens qui n’étaient pas tous des libertaires. Face à la nécessité inconciliable avec les idées anarchistes d’établir une constitution, Auguste fit une proposition de constitution dont le cinquième statut stipulait que « Les baleines sont nos compagnes. Toute personne qui porterait atteinte à l’intégrité des baleines sera considérée comme contre-révolutionnaire et s’exposera à toute la rigueur de la loi révolutionnaire ». Ainsi cette référence à la baleine d’Auguste porte t-elle en soi toute la question du pouvoir et de l’anarchisme. Elle est la métaphore d’une quête, et d’une filiation qui passe pour Gatti par le père mais plus largement par toute la mouvance anarchiste, à laquelle Auguste appartenait :

Et la baleine était devenue un peu ce monde promis d’Auguste, et le fait qu’il était parti de l’Amérique meurtri, poignardé, rejeté en quelque sorte par l’Amérique, de retourner avec une baleine et de recommencer cette conquête de l’Amérique qu’Auguste n’avait pas faite, mais de recommencer à travers son fantasme, à travers sa baleine, avec des musiciens, le rêve d’Auguste a été réalisé à Cuba et cette baleine devait changer le monde. [21]

À travers la baleine s’exprime encore cette aspiration libertaire dans sa dimension universelle, qui replace la révolution cubaine dans le contexte plus large des luttes pour la liberté.

C’est souvent en convoquant les éléments les plus personnels de son histoire, ceux en apparence les plus anecdotiques, que Gatti parvient à exprimer le combat collectif et l’aventure humaine. L’opposition entre l’individu et le « peuple » en est ainsi transcendée.

À la fin du film, le Ciel et la Terre sont enfin réunis pour former une sorte de paradis terrestre, « dans lequel les hommes sont des dieux - ou sont débarrassés des dieux, ce qui revient au même [22] ». Le tout dernier plan contraste absolument avec l’esthétique que le film
avait jusqu’alors mise en place. La caméra suit Cristobal et l’enfant qui ont réussi à quitter le ciel et sont arrivés à Tecunuman. Puis elle entreprend un très long et lent travelling arrière, donnant à voir l’immense étendue d’une forêt. On entend d’abord le motif de l’orgue, qui intervient pour la première fois en tant que musique extra-diégétique. Il est d’une certaine façon le motif
triomphant du film, celui de Cristobal qui renverse le pouvoir d’Anastasio sans recourir aux armes [23] , et fuit finalement la « sphère suprême » pour retrouver la liberté. Puis la musique cesse, et la voix off prend le relais pour expliciter la métaphore que constitue le film entier
« Tout un peuple de palmes, au coude à coude, face à la mer, c’était Cuba ». Pour la première dans le film la voix off perd son ton humoristique et détaché pour prendre celui d’une poésie beaucoup plus grave, d’une poésie qui rend hommage à un peuple et à son combat. Le caractère très réaliste de ce dernier plan qui intervient de façon métonymique (Cuba vue à travers son
paysage de palmiers et de mer) apparaît comme la fin indispensable au film. Un retour à la réalité brute du pays après les 100 minutes d’une fable nourrie par les événements contemporains de Cuba, et qui les célèbre par l’imaginaire. Le film s’achève avec le son des vagues, alors que la caméra se tourne vers la mer, désignée par la voix off.

Ne restent plus que les arbres et la mer, immémoriaux, pour célébrer la lutte qui ne se laisse jamais réduire à l’événement historique, et va prendre sa place parmi les combats de tous les temps.

Il s’agit bien pour Armand Gatti, dans son cinéma aussi bien que dans son œuvre littéraire et théâtrale, de trouver un langage adapté à l’élan révolutionnaire et libertaire. Et ce langage ne peut se satisfaire du cadre étroit du cinéma « militant », ou « politique ». Il exige d’avoir une portée beaucoup plus large : c’est ce « rêve d’un dialogue avec tout l’univers [24] », commun à l’ensemble de l’œuvre du poète.

On voit bien dans les différentes scènes étudiées que Gatti parvient à exprimer une idée de la liberté, sans passer par un discours militant mais par des éléments de langage spécifiquement cinématographiques, que ce soit à travers le son, le montage, ou les mouvements de caméra. Une véritable esthétique se met en place, en étroite relation avec les événements politiques qui en sont le moteur et l’argument à la fois.

Dans la dernière partie du film, Gatti multiplie les manipulations d’images, notamment dans le passage où Cristobal et l’enfant décident de fuir pour retourner sur la terre : images retournées de bas en haut, images déformées, image que l’on fait tourner sur elle-même, etc. Ici se manifeste une réelle euphorie du cinéma, un ludisme de la création, qui se situe à nouveau dans l’héritage de Méliès et de ses manipulations formelles. Le cinéaste, par cette manipulation de la matière même du film, se mesure au Dieu qui dans la diégèse du film suscite ces transformations de l’espace.

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu » : cette première phrase de l’Évangile selon Saint-Jean, Gatti aime à la reprendre et à la mettre en perspective avec sa démarche d’auteur (d’une façon absolument non conforme à la religion, invitant chacun de ses « loulous » à devenir Dieu avec lui). El otro Cristobal en est aussi, transposée dans le cadre de la création filmique, une figuration.

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 ‪II.3 Transcender les barrières du temps et des genres cinématographiques Roger Rouxel et Der Übergang über den Ebro
 ‪II. 4 Les expériences d’écriture collective‬

Conclusion

Filmographie et Bibliographie