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Chapitre I Enseignements et conséquences des journées de Mai-juin 1968

“ Tous les anarchistes sont révolutionnaires car tous veulent supprimer l’élément de base sur lequel se sont bâties toutes les sociétés et qui est l’inégalité. Et la révolution a pour eux un caractère universel car toutes les sociétés ont édifié leurs lois politiques et culturelles à partir de l’inégalité. Mais la révolution n’est pas seulement une définition d’un mouvement mécanique ou un symbole politique ou social, il singularise une méthode d’action et cette méthode d’action que lui a conférée l’Histoire est basée sur la violence. Bien sûr, la révolution envisagée simplement comme moyen tactique pour faire triompher une cause devient discutable et il est des anarchistes pour et d’autres contre. Pour un non-violent par exemple, le terme révolution employé dans le sens de la violence que la tradition lui a consacré est à rejeter, même si la non-violence est elle-même une méthode révolutionnaire dans le sens symbolique et par rapport aux méthodes traditionnelles de lutte. ”

L’anarchisme non-violent existe toujours avant les événements de Mai, notamment à travers les réflexions d’Anarchisme et non-violence ou les actions de Louis Lecoin. Si on prend cet exemple, c’est dans le but de caractériser l’importance, pour les mouvements révolutionnaires en général et libertaires en particulier, de la révolte étudiante. En effet, que ce soit dans Le Monde Libertaire, dans Noir et Rouge ou n’importe quelle parution libertaire, il va être bien difficile de défendre la non-violence et l’évolution vers une société libertaire, “ l’intellectualisme de salon n’aura plus lieu d’être ”. C’est dans cet esprit que se situe cette étude de la révolte de mai-juin 1968, ses rapports à l’anarchisme et ses conséquences théoriques, tactiques et organisationnelles dans le mouvement. L’événement ne sera pas ici le fil conducteur, étant l’œuvre de plusieurs groupuscules révolutionnaires. Il s’agira bien plus de mesurer la résonance libertaire des revendications et des actions, car “ l’apparition, dès le 6 mai à Paris, du drapeau noir sur les premières barricades et les polémiques entraînées par cette apparition ont été l’un des grands faits du mouvement de Mai. ”

Une fois mesurés l’impact et le contenu du “ choc ” de Mai, autant chez les anarchistes que dans la société, il sera plus aisé de comprendre l’évolution du mouvement anarchiste et plus particulièrement de sa “ tendance ” organisée, la Fédération anarchiste. Ainsi, on pourra savoir quelle place doit-on donner aux événements du printemps 1968, dans l’évolution immédiate de la pensée et de l’action du mouvement ? En outre, les événements consacrent-ils la justesse d’analyse de tel ou tel groupe, de telle ou telle tendance, ou les renvoient-ils tous dos à dos, connaissant l’état général du mouvement en 1968 et sa parcellisation en différentes chapelles ? Les réponses données détermineront dans une large mesure l’évolution du mouvement anarchiste dans l’élaboration théorique d’une part, et dans la pratique des méthodes d’action et de lutte d’autre part. C’est pourquoi il faudra s’attacher dans un premier temps à établir les rapports entre Mai 1968 et l’anarchisme, autant dans la pratique des révolutionnaires que dans les enseignements théoriques. A partir de là, on verra les conséquences directes des événements pour l’organisation nationale.

A) Mai 1968 et l’anarchisme

“ Il flotte au dessus des autres sur la cour de la Sorbonne. Il a traversé Paris avec le cortège du 13 mai, puis de Montparnasse à Austerlitz. Ainsi a-t-il sa place dans l’histoire de Mai 68, de ses origines universitaires à ses développements les plus populaires. Mais d’où vient-il ce drapeau noir que les foules françaises avaient paru oublier depuis les luttes pour Sacco et Vanzetti et qui les étonnait encore lorsqu’elles le voyaient flotter sur Barcelone ou sur les Asturies et que M. Jacques Duclos vient de dénoncer à Lyon ? ”

Si tous les observateurs des événements sont attentifs à l’apparition du drapeau noir dans les manifestations, l’effet de surprise caractérise aussi le mouvement libertaire. Il s’agira ici d’étudier les thèmes libertaires envisagés tout en sachant d’où vient l’impulsion. De ces analyses découleront les premiers enseignements de la révolte.

L’esprit libertaire

On peut se demander tout d’abord, comme l’ont affirmé la presse et le giron politique, s’il y a eu à proprement parler une intervention anarchiste concertée, structurée et coordonnée ? Au regard des effectifs et de l’état général du mouvement, la réponse semble être négative. En effet, l’ensemble des forces organisées ne dépasse pas le millier de militants. Néanmoins, on peut tenir compte de deux phénomènes qui complètent cette présence anarchiste. Tout d’abord, beaucoup d’anciens militants ou sympathisants anarchistes ont pu se reconnaître dans les événements et y participer. De plus, beaucoup de jeunes militants, ouvriers comme étudiants ou lycéens, se sont reconnus spontanément dans l’étiquette anarchiste. Ce phénomène est décelable dans toutes les manifestations de cette période. Dans les deux cas, on ne peut savoir l’apport quantitatif de ce militantisme.

Pendant les deux mois, la présence anarchiste saute aux yeux des militants organisés et des observateurs. La présence des drapeaux noirs lors du défilé du 13 mai et lors de la réunion du stade Charlety le 27, démontre la prégnance des idées libertaires. On peut voir aussi une participation des militants aux conférences et sur les barricades. Dans la phase estudiantine, le drapeau noir flotte dans les combats de rue et les comités d’occupation…laissant peu de place à l’organisation : M. Perrot, M. Rebérioux et J.Maitron ne récoltent que peu de traces d’une présence effective des organisations anarchistes, tout juste deux tracts (Organisation révolutionnaire anarchiste et groupe Louise Michel) ainsi qu’une table presse de la Fédération anarchiste dans la phase d’occupation de la Sorbonne. Sur la phase ouvrière, les militants participent sur les lieux de travail aux prises de décisions, aux comités de grèves dans une volonté de développer les idées libertaires. Etudiants et ouvriers anarchistes participent encore “ aux comités étudiants-ouvriers, sis au centre universitaire de Censier : comités Citroën, Renault, Thomson-Houston, et autres où il fallut intervenir dans les premiers jours pour déclencher les occupations et les grèves. ”

Ce qui semble important, c’est la place en demi-teinte des organisations. En effet, la rapidité de la révolte laisse les organisations dépassées et la participation individuelle des militants s’avère beaucoup plus concrète : “ Les groupes anarchistes proprement dits, n’ont pas toujours été, dans leur expression écrite, à la hauteur. ” Pourtant, la présence des drapeaux noirs ne suffit pas à caractériser le retour des idées libertaires. Ce retour se détecte surtout dans les revendications des grévistes et des occupants. Surtout, un mot va symboliser cette révolte : la spontanéité. Elle prend avec les étudiants et les affrontements une nouvelle dimension pour les mouvements révolutionnaires et anarchistes. Notamment, elle permet de nouvelles perspectives en termes d’action et remet en cause la notion d’avant-garde. En effet les aspirations libertaires et gauchistes se démarquent par le refus de toute direction révolutionnaire d’en haut, de chef : “ L’absence aujourd’hui d’un chef à la tête de notre mouvement correspond à sa nature même. Il ne s’agit pas de savoir qui sera à la tête de tous, mais comment tous formeront une seule tête. Plus précisément, il n’est pas question qu’une quelconque organisation politique ou syndicale déjà constituée avant la formation du mouvement se l’approprie ”.

Les anarchistes de 1968 remettent en question l’avant-garde au sens léniniste du terme et lui substitue la notion de minorités agissantes qui doit servir de levier de la révolution, mais sans la diriger : “ Ce qui s’est passé depuis deux semaines constitue à mon avis une réfutation de la fameuse théorie des “avant-gardes révolutionnaires ” considérées comme les forces dirigeantes d’un mouvement populaire. A Nanterre et à Paris, il y a eu simplement une situation objective, née de ce qu’on appelle d’une façon vague “ le malaise étudiant et de la volonté d’action d’une partie de la jeunesse. La minorité agissante a pu, parce qu’elle était théoriquement lus consciente et mieux préparée, allumer le détonateur et foncer dans la brèche. Mais c’est tout. ”

Cette situation condamne de fait les directions révolutionnaires : “ Cela montre qu’il faut abandonner la théorie de “ l’avant-garde dirigeante ” pour adopter celle –beaucoup plus simple, beaucoup plus honnête- de la minorité agissante qui joue le rôle d’un ferment permanent, poussant à l’action sans prétendre la diriger. ” L’action de la minorité se situe dans un cadre d’explosion spontanée des masses : “ Dans certaines situations objectives – les actions d’une minorité agissante aidant – la spontanéité retrouve sa place dans le mouvement social. C’est elle qui permet la poussée en avant, et non les mots d’ordre d’un groupe dirigeant. ” Ces réflexions remettent en cause les méthodes révolutionnaires traditionnelles marxistes, et par leur caractère négateur des directions et des bureaucraties, elle adoptent dans une large mesure un trait libertaire.

L’autogestion et le conseillisme apparaissent comme les nouveaux mots d’ordre, notamment à travers les formules incisives des slogans et des tracts : “ La Sorbonne aux étudiants. L’usine aux ouvriers. ”, et comme les moyens retrouvés de l’émancipation révolutionnaire : “ L’arme absolue de tous les travailleurs luttant pour la révolution est la gestion directe de leur moyen de liaison et de production. ” La grève revendicative doit être dépassée par l’autogestion, moyen ultime de la mise en place d’une économie socialiste : “ Camarades, l’occupation des usines doit maintenant signifier que vous êtes capables de les faire fonctionner sans l’encadrement bourgeois qui vous exploitait. Il faut maintenant permettre au mouvement révolutionnaire de vivre, de se développer, d’organiser la production sous votre contrôle. Vous retirez ainsi aux capitalisme son moyen d’oppression. Assurez la production, la distribution pour que l’ensemble de la classe ouvrière démontre qu’un pouvoir ouvrier, propriétaire de ses moyens de production, peut instituer une réelle économie socialiste. ”

L’autogestion devient un mot magique avec les événements, le Mouvement du 22 Mars lui réserve aussi une place particulière dans les moyens révolutionnaires : “ Pour nous, l’établissement d’une société sans classe passe d’abord par l’autogestion. Quand les ouvriers vont reprendre le travail, ils se poseront la question : comment et pour qui va-t-on le reprendre ? Pourrait-on faire tourner l’entreprise sans les patrons ? Il faut que l’autogestion s’instaure pour détruire le capitalisme. ”

Ce pouvoir sans intermédiaire a commencé à s’esquisser à Nantes, ville où l’influence anarchiste a toujours été importante. Le 6 novembre 1967 s’étaient déroulés à Nantes les premiers états généraux ouvriers-paysans. Alexandre Hébert, secrétaire départemental Force-Ouvrière, en fut un des participants remarqués. Comme le groupe anarchiste nantais, Hébert voit en Fernand Pelloutier un maître à penser. Il affirme n’être pas un “ anarchiste de salon ”, considère que “ le drapeau noir est le drapeau du courant socialiste non autoritaire et le rouge celui du courant autoritaire et marxiste ” , et pense que “ l’unité ouvrière ne sera réelle que lorsqu’elle se fera sous un drapeau rouge et noir. ” C’est par ailleurs à l’usine nantaise Sud-Aviation qu’éclate en mai la première grève avec occupation d’usine. Très vite, un comité intersyndical qui regroupe la CGT, la CFDT, la CGT-FO, la FEN, l’UNEF anarchisante, siège à la mairie et assure le fonctionnement des services publics et le ravitaillement des grévistes. Ses délégués contrôlent les prix dans la ville, obligent les commerçants à les maintenir. Des comités de quartiers en liaison avec les organisations paysannes des villages voisins s’occupent de nourrir les familles des grévistes. Tous ces faits permettent à Tribune du 22 mars d’affirmer : “ S’il y avait 10, 20 Nantes, la révolution se ferait réellement concrètement par la base, c’est-à-dire durablement. S’il y avait 10, 20 Nantes, nous n’aurions pas à devoir compter avec les bureaucraties en place, nous pourrions éviter cette gigantesque fumisterie, cette gigantesque récupération que serait une révolution de Palais amenant la gauche à prendre ce pouvoir administratif auquel nous opposons cet autre pouvoir, celui des masses et de la démocratie directe. ”

A Nantes, les anarchistes, loin de dénigrer les organisations syndicales, travaillent franchement avec elles. Il en va de même à Limoges où deux motifs poussent les anarchistes à développer leur activité dans les syndicats. Tout d’abord l’organisation anarchiste ne doit pas, en tant que telle, être utilisée pour élargir l’audience des idées libertaires. Les résultats obtenus par l’intermédiaire d’une organisation anarchiste ne sont guère convaincants : “ Ainsi, à Limoges, l’expérience que nous avons tentée et qui consistait à mettre sur pied un “ Cercle d’études sociales Proudhon ” a été un échec dans la mesure où les conférence et les débats que nous avons organisés n’ont attiré que très peu de personnes. Pour avoir une action efficace, il faut donc agir dans le cadre des organisations syndicales existantes et utiliser toutes les possibilités qui nous sont offertes d’exposer notre point de vue (réunions, débats,…) sans nous replier sur nous-mêmes. ” Par ailleurs, la présence des anarchistes dans les comités de base surgis ici et là exploite le mécontentement “d’une certaine frange de syndicalistes ou d’autres individus qui ont été écœurés par l’attitude du PC et de la CGT. ” Pour conduire la révolution, certains anarchistes constatent en effet qu’il a manqué “ une avant-garde ( !) syndicaliste révolutionnaire, suffisante en quantité comme en qualité ”. Et ce, au moment même où les idées essentielles du syndicalisme révolutionnaire s’exprimaient dans la lutte quotidienne, par le biais de la grève généralisée.

Néanmoins, cesser le travail, arrêter la production, occuper les usines n’apportent pas la victoire. Certes, la paralysie est totale, mais une deuxième étape est indispensable : la remise en route de l’économie par les travailleurs eux-mêmes, et bien des anarchistes croient à l’efficacité des syndicats. “ L’usine est à nous, pourquoi recommencer de travailler pour le patron ? ” demande Cohn-Bendit. Le concept d’autogestion est lancé tout naturellement, non pas comme un mot d’ordre par une soi-disant direction du prolétariat, mais tout simplement comme une réponse spontanée à un problème concret : “ Il faut prouver l’autogestion en autogérant. Il faut produire sans maître, sans profiteur, et répartir selon d’autres lois. Il faut aller chercher auprès des agriculteurs qui répandent leurs récoltes sur les routes de quoi alimenter, à des prix sans concurrence, les familles ouvrières des villes… A la spontanéité dans le refus, la négation des structures sociales actuelles, doit succéder la spontanéité dans l’affirmation, la réalisation de nouvelles structures. ” C’est qu’à défaut de cette prise en main de l’appareil économique par les producteurs eux-mêmes, cette grève générale de mai-juin 1968 avec ses huit à dix millions de grévistes ne peut être qu’un échec. “ Autogestion – spontanéité ” apparaissent comme les deux axes principaux d’une même révolte et d’une même méthode révolutionnaire pour les anarchistes. Ce sont ces deux axes qui renforcent le caractère profondément libertaire de Mai 68.

La révolte de Mai apparaît aussi comme une protestation étudiante contre l’intégration dans le cadre de la société bourgeoise bureaucratique, mais dans un cadre plus général la bureaucratie est fortement dénoncée. Ainsi, l’influence des thèses de Socialisme ou Barbarie semble habiter les revendications étudiantes sur les rapports enseignants/enseignés. La secousse de mai-juin rompt leurs rapports traditionnels. Et, pour les anarchistes, le front de lutte des lycéens doit lui aussi être encore renforcé. C’est le sens de l’appel de Dominique Fargeau en novembre 1968 à ses camarades lycéens : “ La révolte de mai nous a permis de franchir un pas vers la révolution sociale. Il s’agit, en tant qu’anarchistes révolutionnaires, de s’opposer par tous les moyens à la reprise “ normale ” des cours ronronneurs. ”

Au regard des arguments avancés, il apparaît que les événements de mai 1968 ont permis au mouvement anarchiste, tel qu’il s’est développé depuis le début des années soixante, de s’extérioriser d’une manière telle, qu’il reste sa plus belle et frappante expression. Pourtant, une question se doit d’être posée : d’où vient l’impulsion première et plus précisément, vient-elle du mouvement organisé ? En outre, Mai 68 apparaît comme le plus bel exemple des revendications de cette génération contestataire des années soixante, “ les préludes de mai ont été modulés dans les universités du monde entier, à Turin comme à Varsovie, à Berlin comme à Berkeley, à Dublin comme à Moscou ou Pékin. ” Les thèmes abordés pendant les journées de révoltes ont sensiblement le même contenu que ceux envisagés dans les mouvements de contestation généralisée des années soixante. L’anarchisme, philosophie de liberté et de libération de l’homme, peut ainsi apparaître comme la théorie révolutionnaire adéquate à ce bouleversement de la société ; ce qui rend enthousiaste les militants : “ Si le mouvement libertaire n’est pas beaucoup apparu en tant que tel au cours des récents événements, l’esprit libertaire, lui, est largement apparu, et qui plus est, sans notre intervention. ”

Néanmoins, ce ralliement apparent aux thèses libertaires amène à constater deux faits : d’une part
l’inefficacité des organisations anarchistes et d’autre part une “ connexion ” entre gauchisme et anarchisme, car si on entend par gauchisme “ cette fraction du mouvement révolutionnaire qui offre, ou qui veut offrir, une alternative radicale au marxisme-léninisme en tant que théorie du mouvement ouvrier et de son évolution ” , les étudiants et militants plus ou moins jeunes apparaissent alors comme la “ composante anarchiste ” du gauchisme, et inversement, par leur digestion des écrits marxistes, ils apparaissent comme la composante gauchiste de l’anarchisme institutionnel. En développant cette idée, et en analysant les traits caractéristiques des idées gauchistes, il semble qu’un lien très fort le relie à l’anarchisme, ou plutôt à un certain anarchisme.

Il peut paraître étonnant que R. Gombin ne mette pas en relation directe ces deux théories. L’anarchisme s’est efforcé tout au long du siècle d’étudier et de dénoncer la pratique révolutionnaire communiste, dans le même sens, le gauchisme “ est une multitude de courants qui font la consistance d’un mouvement de pensée qui se pose en successeur d’une théorie révolutionnaire identifiée avec le mouvement ouvrier depuis plus de cinquante ans. ” Si on ne peut associer les deux théories, car l’anarchisme de 1968 n’est pas le même que celui prôné dans la FA ou dans certaines publications, force est de constater leur convergence d’une part dans la critique des organisations révolutionnaires traditionnelles, et d’autre part des sociétés modernes. Le phénomène bureaucratique, une relecture des philosophes, la critique de la vie quotidienne, la contestation des formes d’autorité et des fondements de la société et la théorie du communisme de conseil sont autant d’éléments fondateurs du gauchisme que l’on retrouve dans les réflexions des jeunes anarchistes depuis le début des années soixante et même de ceux qui ne s’en réclament pas spécialement : “ En tant que Mouvement du 22 Mars, les questions suivantes se sont posées : le mouvement ouvrier avait connu un échec vers 1920, et les promesses du marxisme et du léninisme n’avaient pas été tenues. Nous en avons trois conclusions : que l’organisation est incapable de mettre en pratique sa théorie, que la théorie elle-même est à réétudier, que la société dans laquelle se sont produits ces mouvements révolutionnaires est à transformer. ”

Tous ces éléments s’apparentent à la volonté d’ouverture et de réactualisation de la pensée anarchiste affichée au début de la décennie. Mai consacre cette ouverture et la rupture au sein du mouvement semble être alors consommée, les militants et sympathisants n’hésitent plus entre l’émergence des idées libertaires et la relecture de Marx : “ La vieille génération anarchiste condamne en bloc tous les idéologues du communisme. Ils mélangent tout. Pour eux, Marx est à rejeter autant que Staline. De même que pour les marxistes, les anarchistes sont tous des petits bourgeois, de même pour les vieux “ anars ” les marxistes sont tous des staliniens. ”

Il ne faut pas douter de l’itinéraire des jeunes libertaires, venu à l’anarchisme par une critique acerbe du marxisme, qui n’est pour autant plus à rejeter sans nuance. Ainsi, “ les jeunes anarchistes, eux, acceptent la critique marxiste de la production ”, tout en rejetant “ le rôle qui est accordé à l’État dans la période transitoire entre le capitalisme et le socialisme car c’est par cette justification théorique qu’on est arrivé au stalinisme. ” Certaines analyses marxistes sont dénoncées (analyse des crises cycliques par exemple) tout comme le primat accordé à l’économie et au prolétariat : “ Une situation révolutionnaire ne naît pas forcément d’un déséquilibre économique. Je nie aussi le rôle que prêtre le marxisme à la classe ouvrière considérée comme seule classe révolutionnaire. Quand la masse des ouvriers sera réduite à 15% de la population active, on voit mal ce qu’elle pourra faire toute seule. ”

La base de cette “ nouvelle ” pensée anarchiste part donc des enseignements et des dérives du stalinisme : “ On ne dira jamais assez combien le XXème congrès du Parti communiste soviétique et la révolution hongroise de 1956 ont contribué à la constitution des groupuscules dont on a découvert la force depuis quelques semaines. Ces événements permettent de constater dans les faits que les communistes ont trahi. ” Cette proximité entre l’anarchisme des années soixante et le gauchisme prend toute sa signification chez Daniel Cohn-Bendit. Appartenant au groupe Noir et Rouge, il théorise avec son frère ses idées dans les mois qui suivent les événements dans Le gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme. Il distingue deux étapes dans la lente “ construction ” des théories gauchistes, l’une partant de 1947 : “Toute une maturation s’était faite silencieusement à l’intérieur du mouvement ouvrier. Cette prise de conscience de la vraie nature des bureaucraties ouvrières ne se manifeste encore que par une hostilité passive, mais sa lente progression permet seule de comprendre les aspects les plus fondamentaux du mouvement de mai-juin 1968. ” Cette première période s’achève en 1956, par la fin de l’hégémonie stalinienne sur le mouvement ouvrier français, en effet, avec le XXème congrès et la révolte hongroise, “le mythe du “ paradis socialiste ” est définitivement détruit. C’est de l’année 1956 que date le réel essor des groupes gauchistes. ” De 1956 à 1968, c’est une deuxième phase qui consacre la formation d’une bureaucratie sous tous les aspects : “ Pour le moins, 1968 sera aussi importante pour la prise de conscience des exploités que l’année 1956. En 1956, le vrai visage de la bureaucratie soviétique et des démocraties dites populaires s’était démasqué là où elles avaient le pouvoir. En 1968, la bureaucratie a prouvé sa véritable nature là où elle ne l’avait pas encore fait. ”

Au regard de ces connexions “ gauchistes-anarchistes ”, une différence de taille se dessine avec l’anarchisme institutionnel et traditionnel de la Fédération. La “ victoire ” dans les faits de la première tendance amène les militants à s’interroger sur cette défaillance. La FA fut surprise, c’est un fait. Ses militants n’avaient nullement prévu ni suspecté l’explosion. Le manque de coordination tout d’abord, et le manque d’ouverture ensuite, apparaissent comme les deux éléments qui ont manqué à l’organisation nationale, il faut y voir “ une certaine méconnaissance des problèmes que nous avons eus à résoudre. ” Les anarchistes organisés ne peuvent intervenir pour empêcher le dévoiement du mouvement après mai. Ils restent plus ou moins spectateurs. “ Puristes ”, ils n’essaient guère de profiter du moment pour étoffer leurs rangs : “ La plupart des groupes se contentèrent “ d’ouvrir des bureaux ”, à la Sorbonne ou à Censier…qui devinrent rapidement des hauts lieux du verbe. ”

Pourtant, Maurice Joyeux n’oublie pas l’immense service rendu à l’anarchie par les étudiants : “ Seuls les étudiants ont posé le problème sur la vraie base ; pour eux c’est la société qu’il faut rejeter et, pris d’une frénésie de destruction, ils ont remis en question son économie, sa structure et sa morale de comportement. ” Néanmoins, il est dommage que les ouvriers n’aient pas suivi le mouvement étudiant : “Ils ont été incontestablement plus loin que les ouvriers qui, eux, n’ont que timidement déposé la revendication, et pour lesquels l’autogestion ou plutôt la gestion ouvrière reste un objet étrange. En réalité, les étudiants nous ont rendu un grand et merveilleux service en reprenant le vieux langage et en marchant sous les plis du drapeau noir sans trop savoir ce qu’il représentait, ou plutôt en y accolant ce qui était leurs sentiments propres, sans bien se soucier si cela correspondait avec ce qu’en avaient dit les théoriciens anarchistes. ”

L’inaptitude du mouvement organisé et la résurgence des idées anarchistes élaborées depuis le début des années soixante en dehors du mouvement officiel sont deux faits qui ressortent des événements. La phraséologie libertaire réapparaît dans le rejet de la société par les étudiants et dans une moindre mesure les ouvriers. Les journées de Mai changent la donne dans le milieu anarchiste et confirment le recul de la FA comme centre névralgique du mouvement. Dans chaque côté, chaque tendance, l’heure du bilan et des enseignements va s’avérer décisive.

Les enseignements de Mai

Les événements, aux yeux des militants, ont pour principal apport de confirmer la justesse et l’actualité des analyses libertaires. Pendant les mois qui suivent, Mai suscite les plus grands espoirs et déceptions : “Pendant ces décennies, les anarchistes avaient semé sur une terre ingrate, gelée par le frimas social, un grain qui pourrissait. Le printemps est venu. Pour les anarchistes, le temps de la quiétude est terminé. A la vie végétative succède le moment de la confrontation entre la pensée et la dure réalité. Le cadeau somptueux que Mai nous a fait, il va falloir l’assurer. Pour les anarchistes, le temps de la réflexion qui accompagne l’action est venu. ” L’enthousiasme des anarchistes pour les barricades trouve également un écho chez les observateurs qui voient cette résurgence des idées libertaires : “ La grève populaire ne clame aucun nom, alors que la révolte étudiante, révolte d’une masse juvénile, avait trouvé son visage dans Cohn-Bendit, le rouquin sans patrie, le démocrate de rue, portant en lui anarchisme et marxisme, mêlant les deux drapeaux dont l’accouplement est le symbole de la révolte étudiante : le noir et le rouge. ”

L’action des étudiants a révélé les possibilités révolutionnaires immédiates, l’œuvre des militants doit alors prendre un nouveau souffle et suivre la jeunesse qui a pris le flambeau de la liberté : “ La lutte engagée par les étudiants et les ouvriers révolutionnaires n’était pas la lutte traditionnelle de la droite contre la gauche pour s’emparer du pouvoir, mais une lutte d’une société qui s’éteignait de ses convulsions internes contre une autre qui se frayait un chemin vers un socialisme égalitaire et libertaire. Ce que veulent les étudiants, c’est construire une société non seulement par ses structures économiques, mais également par son aspect moral. Ce qu’ils ne veulent pas, c’est composer avec l’adversaire. Ce qu’ils désirent, c’est un socialisme de forme libertaire même s’ils donnent à ce terme un contenu différent de ce que nous lui donnons. Ce qu’ils refusent, c’est de borner leur lutte à des formes destinées à installer les hommes le moins mal possible dans la société capitaliste. Leur langage, la signification des mots qu’ils emploient sont différents du langage traditionnel du monde politique. Ils ont réappris le vieux langage révolutionnaire. Ils prennent au sérieux des idées que les cadres syndicaux ou politiques ont prostituées. Ils sont l’avenir devant le passer qui ne les comprend pas. ”

Néanmoins, plusieurs éléments laissent les militants sur leur faim. Dans cette optique, l’union étudiants-ouvriers ne s’est pas faite, au grand dam de la face ouvrière de la FA. Joyeux appelle à dépasser “ les particularismes de l’âge et du métier ”. Pourtant, la FA n’a jamais fait preuve d’ouvriérisme restrictif et a considéré le mouvement étudiant plus ou moins comme une force révolutionnaire. Mais si l’organisation a fait cette démarche intellectuelle, le caractère étudiant de la révolte peut être une réponse au peu d’engagement des ouvriers qui ne se reconnaissent pas forcément dans leurs revendications. Dans une autre perspective, on a vu que la défense des positions non-violentes dans une période révolutionnaire devenait difficile. Dans le même ordre d’idée, Mai ramène aussi la conception de libération de l’homme dans tous les domaines. Cette résurgence du surréalisme trouve son expression dans le “Changer la vie ” ou “ Sous les pavés la plage ” scandés par les étudiants. Inspirée dans une certaine mesure par les thèses situationnistes, la possibilité révolutionnaire renaît clairement pendant les journées de mai : “ Ce qui de toute façon, restera, c’est qu’un monde nouveau apparaît au grand jour, un monde où l’imagination sera au pouvoir, où nos désirs seront des réalités et où les mots médiocrité et injustice resteront dans votre vocabulaire en souvenir des années passées dans un monde à l’image de son ancien créateur. Car rien n’est terminé, et les barricades, demain comme hier et aujourd’hui auront la saveur du poème. Mais nous savions déjà que la poésie est révolutionnaire, éternellement révolutionnaire. ” Après Mai, la question sur les formes et les caractères de la révolution ne se pose donc plus. En effet, comment condamner la révolution violente ouverte à l’autoritarisme marxiste et au totalitarisme ? En juin 1969, A.A Milos, dans un article du Monde libertaire, reprend la distinction de Fayolle entre l’attitude et la morale anarchiste. Il refuse cette distinction autoritaire et qui n’a pas de sens car un anarchiste ne peut être que révolutionnaire. Les débats qui avaient amené Fayolle à cette distinction semblent loin.

L’éducation et la lente maturation des masses n’atteindront leur but que par la révolution. Les réflexions et discussions sur les modalités de la révolution reprennent à la veille du congrès de 1969. Avant tout, il apparaît nécessaire aux militants de clamer leur ardeur révolutionnaire : “ Tous les systèmes de ce monde reposent sur l’autorité, sous ses aspects les plus variés et, les anarchistes étant, par définition, les ennemis déclarés de toute autorité, ils sont et ne peuvent qu’être révolutionnaires. ” Les formes de la révolution doivent trouver leurs origines dans l’explosion de mai, les journées insurrectionnelles accréditent ainsi les thèses du courant révolutionnaire : “ Le monde actuel met face à face ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés, ceux qui exploitent et ceux qui sont exploités, ceux qui décident et ceux qui subissent. Entre les uns et les autres, il existe et ne peut exister qu’un antagonisme manifeste ou latent, qui met la société dans un déséquilibre constant. Pour que ce déséquilibre prenne fin, il faudrait que les premiers fassent abandon de leurs prérogatives, qu’ils renoncent à l’autorité qu’ils font peser sur autrui, qu’ils cessent de gouverner, d’exploiter, de légiférer, de juger. Il est possible d’envisager que cet état de grâce puisse toucher certains d’entre eux, il apparaît illusoire de supposer qu’il puisse rallier l’unanimité des profiteurs du système. La violence révolutionnaire opposée à la violence permanente de la société apparaît donc inévitable. ”

Mais la violence, si elle est nécessaire, ne doit pas être un but : “ L’obstacle à la révolution est beaucoup plus d’ordre moral que d’ordre matériel, ce qui implique une révolution des esprits. ” Cette “ révolution des esprits ” semble s’être faite chez les étudiants. On l’a vu lors des affrontements avec les CRS, la violence n’est pas rejetée. Néanmoins, les enragés de Nanterre développent de nouvelles méthodes de lutte qui caractérisent une nouvelle fois l’influence d’autres mouvements révolutionnaires. On peut d’ailleurs mettre en parallèle l’occupation des universités avec le mouvement de contestation de Berkeley. En effet, le mouvement yippie, synthèse entre courant gauchiste et hippie, et personnalisé par Jerry Rubin, a montré la voie sur les méthodes (d’occupation notamment) à suivre. La provocation et l’action exemplaire deviennent également les moyens de montrer le caractère autoritaire de la classe dirigeante. Dans cette optique, les activités des Provos, aux Pays-Bas, ont certainement été un exemple. Surtout, l’explosion des idées libertaires se caractérise dans tous les domaines. Désormais, les militants ne peuvent pas ignorer les aspects culturels, moraux, sexuels, psychanalytiques (…) de l’aliénation. Si la Tribune d’action culturelle avait déjà commencé cette entreprise, les réflexions et les actions de Mai prouvent la nécessaire généralisation des théories libertaires (on retrouvera cette évolution par exemple dans la consécration de Reich, du MLF ou de l’écologisme politique).

Dans la grande tourmente qui bouleverse ainsi pendant deux mois les structures du pays, les anarchistes ont développé leurs affirmations et leurs revendications. Par ailleurs, un effort de réflexion se développe chez les anarchistes moins engagés dans les combats de rue ou les occupations. Pour ces derniers, la grève des bras croisés n’est pas synonyme de victoire, la paralysie de l’économie nationale n’est pas le gage des transformations fondamentales. Les producteurs doivent être capables par eux-mêmes et pour eux-mêmes de faire tourner les usines, rouler les moyens de transports… L’autogestion présuppose l’éducation des travailleurs. L’esprit révolutionnaire doit se doubler d’une parfaite compétence. Prendre la terre, les machines, occuper les universités n’est qu’un préambule, indispensable certes, mais insuffisant. Sans cet immense effort de réflexion et d’éducation sur les formes de gestion et de production, la révolution semble condamnée. Dans ce cas, l’opinion de Sartre se trouve justifiée : “ Par un paradoxe aisément explicable, cette logique destructrice plaît aux conservateurs : c’est qu’elle est inoffensive ; abolissant tout, elle ne touche à rien. ” Les revendications exprimées dans les idées libertaires rejoignent donc les aspirations de ceux pour qui le refus est exigence de dignité.

B) L’après-Mai et la Fédération anarchiste

La déception sur le rôle de la FA au cours des journées de mai ne fait que renforcer les critiques des militants qui voyaient avant 1968 les difficultés de l’organisation. Le congrès de 1967 avait vu Maurice Fayolle reprendre ses thèses sur la formation d’une organisation anarchiste révolutionnaire. Néanmoins, le congrès ne choisit pas la distinction émise. A son terme se constitue une tendance organisée, affirmant son soutien à Fayolle et à laquelle il se rallie, qui prend pour nom tendance “ Paris-Banlieue-Sud ”. Mais comme l’a annoncé Fayolle, la constitution d’une tendance doit se faire dans certaines conditions. Autour de cela, deux événements s’intercalent dans le temps intermédiaire nécessaire aux conditions de sa constitution : d’une part les débats autour du congrès international de Carrare qui amènent une cristallisation des tendances et des opinions. D’autre part ce sont les journées de Mai qui vont consacrer la formation de la tendance révolutionnaire. En reprenant les débats qui ont amené la constitution de la tendance, on verra comment les deux événements précités vont accélérer le cours des choses. Dans cette optique, la reprise des discussions autour et pendant le congrès de Carrare détermine les nouvelles prises de positions du mouvement anarchiste.

Vers le congrès international et une nouvelle tendance

Dès 1967, la préparation du congrès international de Carrare donne lieu à de nouvelles critiques traditionnelles au nom de la liberté individuelle et des contraintes liberticides qu’implique toute organisation, contre la structuration des rapports entre militants. “ Réservé ” aux seules Fédérations nationales, le congrès apparaît comme un nouveau ferment de division et d’exclusivité pour les autres anarchistes : “Limiter ce congrès aux fédérations nationales, c’est dessécher la pensée anarchiste et renforcer le mythe de l’organisation unique, pour elle-même. C’est contre cela qu’il faut protester. ”

Au fur et à mesure des mois précédant le congrès se forme une tendance hostile à la constitution d’une internationale des Fédérations anarchistes, sans faire appel aux autres groupes. Dans le même temps, Maurice Fayolle, qui avait annoncé son départ pour finalement rejoindre la nouvelle tendance, déclare ne plus voir dans la FA qu’une liaison de tendances et agir en fonction : “ Je ne considère pas la FA comme une organisation, mais, sinon comme une amicale, selon le terme impropre que j’ai employé, du moins comme un rassemblement hétérogène de camarades se réclamant tous de l’anarchisme. en raison même des profondes divergences qui séparent ses composants, ce rassemblement ne peut admettre ni structures organiques, ni définition idéologique. ” Les adhésions devraient être alors “ non collectives mais strictement individuelles. ” Le Monde libertaire perdrait son caractère actuel d’information pour devenir “ une revue d’études et de confrontations ” et n’aurait plus la mention “ Organe de la Fédération anarchiste ”, “ ce qui ferait penser que la FA soit une organisation, mais plutôt une formule sans confusion possible ”. Les congrès seraient des colloques et ne prendraient plus de décisions, dont le seul objectif serait “ de permettre des confrontations. ” Le but est simple, “ c’est de laisser le terrain libre à une future organisation anarchiste révolutionnaire et à un journal de propagande qui ne soient concurrents ni à la FA ni au Monde libertaire. ”
Maurice Fayolle semble toutefois méfiant face aux éternels problèmes de la FA et émet les conditions nécessaires à l’adhésion : “ Cette future organisation ne serait pas une tendance organisée au sein de la Fédération –l’expérience a prouvé que c’était irréalisable- mais une organisation totalement autonome. ” Il n’oublie pas non plus les difficultés qu’il a dû surmonter depuis dix ans pour imposer ses vues, et appelle dans ce sens une “ confédération ” anarchiste qui ne risquerait pas d’engendrer les mêmes problèmes qui étaient apparus avec l’UGAC, car pour “ les partisans de l’actuelle FA, rien ne s’oppose à ce que (c’est d’ailleurs prévu dans les statuts) la tendance révolutionnaire s’organise et se dote de son journal. En principe, non, en réalité, il y a un obstacle majeur.

Si les anarchistes révolutionnaires créaient leur organisation AVANT que la FA se soit définie clairement comme un rassemblement inorganique de tendances et d’individualités, il y aura inévitablement rivalité entre les deux organisations. ” La première réunion du groupe “ Paris-Banlieue-Sud ” a lieu en octobre 1967, avec la composition suivante : Groupe Eugène Varlin (15ème et 7ème arrondissements), Jules Vallès (13ème et 5ème arrdts), Albert Camus (14ème et 6ème arrdts), Pierre Kropotkine, Durutti de Marseille, groupe de Versailles et plusieurs individualités dans lesquelles on retrouve Maurice Joyeux et Guy Malouvier. Parallèlement, la tendance devient une liaison des anarchistes révolutionnaires de France, qu’ils soient ou non membres de la FA : “ Cette liaison aura pour objectif d’étudier les possibilités de création d’une organisation spécifique anarchiste révolutionnaire structurée sur le double plan idéologique et organisationnel. Cette organisation sera totalement indépendante, mais non séparée de la FA dans la mesure où celle-ci se définira comme une union pluraliste. ”

La définition qu’en donne Maurice Fayolle, dans L’organisation libertaire, bulletin de liaison des anarchistes révolutionnaires, reprend trait pour trait ses analyses : “ Organisation parce que telle est la base immuable et nécessaire de toute action collective, concertée et orientée vers un objectif. Parce qu’il n’y a jamais et qu’il n’y aura jamais d’autres moyens, pour parvenir à des réalisations concrètes que de s’organiser, de se définir et d’orienter les activités dans une direction préalablement élaborée en commun. Anarchiste, parce que nous nous réclamons d’un socialisme antiautoritaire et fédéraliste dont, face à Marx et à Engels, Proudhon et Bakounine définirent les grandes lignes, tout en prophétisant avec une rare clairvoyance le bourbier tyrannique et sanglant où, un siècle plus tard, devait sombrer le socialisme autoritaire. Révolutionnaire, parce qu’on n’a pas trouvé d’autres termes pour d ”finir un changement dans l’ordre des choses et sue nous refusons l’ordre existant. Notre lutte n’a de raison et de sens que dans la perspective d’une transformation radicale des bases mêmes de la société, dans le sens d’un socialisme authentique qui fera de chaque individu un être libre et responsable. ”

Le problème majeur qui se pose à l’anarchisme reste le même : c’est cette tendance qui l’éloigne des luttes révolutionnaires en prônant l’éducation et l’éthique. Michel Cavallier reprend la distinction de Fayolle entre morale et attitude anarchiste, ferment de la stagnation du mouvement : “ Pour certains, l’anarchisme se résume à une manière de vire et l’action-lutte n’est là que pour entretenir une espérance que l’on sait vaine et tenter de se créer un petit monde à part, où grâce à des artifices de toutes sortes on arrive à se persuader que l’on représente quelque chose dans la médiocrité universelle. C’est à l’anarchiste, au sommet de sa montagne, qui indique les sentiers caillouteux qui mènent lui, en évitant que trop de monde y parvienne à la fois de peur que des pieds trop nombreux n’écartent les cailloux du chemin et ne rendent celui-ci moins pénible à l’homme. ”

Les mois qui précèdent l’explosion de mai, voient donc l’esquisse d’une tendance révolutionnaire organisée au sein de la FA, selon les vœux émis par Fayolle dix ans plus tôt. Pourtant, les conditions émises par Fayolle ne sont pas encore précisées dans la FA. Les événements de mai changent la donne et devant l’urgence de la situation, la tendance Organisation Anarchiste Révolutionnaire est consacrée, notamment par la distribution d’un tract signé ORA. L’émergence d’une situation révolutionnaire en France contraint les anarchistes révolutionnaires à précipiter la constitution de leur tendance, sans attendre que la FA se soit déclarée comme une confédération. Dans un deuxième temps, Guy Mallouvier, chargé de la Commission préparatoire au congrès international, appelle une nouvelle fois les militants à faire un choix. A la veille du congrès, son exaspération est à son comble, les discussions autour de Carrare “ m’ont persuadé qu’il était incontestablement profondément utopique d’entreprendre un travail quelconque à l’intérieur des structures actuelles (si l’on peut employer ce terme) de la Fédération anarchiste. Par contre, notre bonne vieille FA est admirablement aménagée pour celui ou ceux qui, investis d’une responsabilité, trouvent agréable ou habile de n’y rien entreprendre, se contentant d’être, comme les statuts le leur demandent, d’hypothétiques boîtes aux lettres. ”

Mallouvier, présent à la première réunion de la tendance “ Paris-Banlieue-Sud ”, s’exaspère devant l’inefficacité évidente de la FA. Sa critique est à mettre dans la même optique que celles émises par la tendance : “ Je crois qu’une révision et une transformation des structures est aujourd’hui, rendue nécessaire par l’évolution des rapports de force à l’intérieur même de notre fédération. Je pense donc qu’il stérile, parce qu’il n’existe pas de terrains d’entente, de solutions signifiant autre chose comme l’immobilisme, la léthargie idéologique et la mort, de poursuivre l’expérience d’une cohabitation illusoire entre les idées que je peux avoir et, par exemple, les armandistes marseillais. ”

Cette prise de position largement en faveur de constitution de tendance organisée trouve, comme les critique depuis 1953, son origine dans la critique de l’humanisme libertaire, cette morale qui contraint les militants et qui sclérose le mouvement : “ Ces crises périodiques sont dues en partie, à un malaise profond, réel, que ressentent presque uniquement les socialistes libertaires, la sensation de s’être fourvoyés au milieu d’humanistes, respectables certes, mais dépourvus de toute dynamique révolutionnaire, qui opposent victorieusement leurs théories pacifico-évolutionnistes et individualistes aux conceptions des révolutionnaires anarchistes, qu’ils traitent au mieux d’utopistes (Bontemps), ou au pire de dictateurs (Armand). ”

Après ces réflexions, il semble qu’une nouvelle fois la FA soit divisée en “ tendances ” opposées sur les méthodes tactiques et organisationnelles. La formation après mai 1968, de deux tendances hostiles et favorables à la participation au congrès de Carrare, renforce les positions entrevues plus haut. La intention d’y participer, les dissensions redoublent. Dans son ensemble, le mouvement international est assez hostile au leader de Nanterre, on ne lui pardonne pas son rôle dirigeant ni les questions embarrassantes qu’il pose au mouvement. La FA convoque ainsi un congrès extraordinaire les 29 et 30 juin 1968. Aussi, adopte-t-on le principe de l’envoi de deux délégations. L’une serait la représentation des groupes favorables au congrès et à l’Internationale ( Guy Mallouvier, Michel Cavallier, Maurice Joyeux), l’autre serait hostile aux dites assises (René Bianco, Aristide Lapeyre). Les membres de la région Paris-Banlieue-Sud se retrouvent parmi les partisans de la participation au congrès international.

Le congrès de Carrare s’ouvre le 31 août 1968. Néanmoins, ce congrès est le fruit du travail d’un certain nombre d’organisations qui n’ont pas participé aux événements de mai (FA ibérique, Union des anarchistes bulgares, FAI). Le mouvement français semble quant à lui s’être cristallisé pendant et après les événements. Une profonde cassure s’est faite entre les éléments traditionnels du mouvement (FA et ORA) et Cohn-Bendit et ses camarades. Chacune de ces tendances estiment avoir joué le rôle “ fondamental ”. Carrare sera le champ clos où vont s’affronter “ spontanéistes ” et “ organisationnels ”. l’élément essentiel de discussion porte dès le début sur la nature du spontanéisme. La polémique essentielle ne surgira pas de ceux qui protestaient au nom de la pureté des principes, mais de ceux qui nient ces mêmes principes. La contestation, incarnée par Daniel Cohn-Bendit, est une contestation globale à l’égard de l’anarchisme institutionnel et traditionnel, et vise à substituer à celui-ci de nouveaux concepts. La rupture qui se produit n’a pas lieu entre organisations, mais entre militants. Si dans un premier temps le but essentiel est d’éviter tout affrontement …physique entre congressistes, Cohn-Bendit arrive ensuite à exposer ses thèses sur le spontanéisme qui caractérise le “ nouvel ” anarchisme : “ Pourquoi nous dresser contre la marche de ce congrès ? Parce qu’il tourne le dos à la spontanéité qui est, selon nous, la clef de la révolution. (…) Nous disons que vous êtes dans l’erreur, car ce n’est pas en vous enfermant, en jetant des exclusives, en poursuivant l’éternel débat entre Bakounine et Marx, que vous ferez avancer la cause de la révolution. Pour nous le problème n’est pas entre marxisme et anarchisme. Il est de découvrir et mettre en œuvre les nouvelles méthodes les plus radicales en vue de la révolution. ”

Les vues de Cohn-Bendit sont rejetées ; cette prise de position démontre un réel antispontanéisme des militants traditionnels, au nom de l’antimarxisme. Pourtant, cette volonté marque dans une certaine mesure le vide idéologique du congrès, à la grande déception de la tendance organisationnelle de la FA : “ Ce congrès, au lieu d’être un congrès d’anarchistes menant une lutte actuelle et désirant s’inscrire dans les nouvelles données économiques et politiques, laissant cela aux néo-marxistes “ cohn-bendistes ”, a laissé passer la chance qui s’offrait au mouvement anarchiste mondial de jouer un rôle qui lui revient à cause de son refus de s’adapter aux données nouvelles. ”

Il n’existe pas de compte-rendu des motions acceptées pendant le congrès. On se basera sur le récit du Monde libertaire. La troisième motion apparaît aux yeux des congressistes comme primordiale : “ Il est nécessaire de préciser que l’anarchisme et le marxisme sont complètement différent et opposés dès l’origine, et qu’on ne peut envisager u bon marxisme avec lequel nous pourrions trouver des terrains d’entente et nous allier. L’application actuelle du marxisme n’est pas une déviation, c’est le marxisme dans sa réalité. Vouloir mélanger l’anarchisme et le marxisme c’est méconnaître profondément l’anarchisme, en avoir une vue superficielle. ” Il paraît inutile de préciser et d’expliquer les motivations et les raisons qui ont conduit la délégation française à insister sur cette motion. Les autres motions concernent la jeunesse, la religion et la faim dans le monde. Le congrès de Carrare est-il un échec ? Il a semblé en tout cas incapable d’une remise en cause de sa tradition et a montré son incapacité à résoudre une situation politique. Mai 1968 et Carrare apparaissent comme le double visage d’un même échec. Le mouvement libertaire rate l’occasion d’une confrontation générale et la possibilité de démontrer l’actualité des ses réflexions.

Autour de l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste

L’ORA signe son acte de naissance au congrès de Carrare. Assez vite les oppositions vont se formaliser au sein de la Fédération anarchiste et éclater au congrès de Marseille en décembre 1968. Une attaque en règle fut menée par la majorité de la FA. Deux types de réactions sont à enregistrer, d’une part l’attaque de ceux qui critiquaient et s’opposaient à la façon dont le congrès de Carrare s’était déroulé et d’autre part ceux qui voyaient dans l’ORA un danger pour la FA et une source de contestation : “ Les gens de l’ORA, je les connais bien, ils sont passés nombreux dans notre groupe libertaire Louise Michel, on n’a pas toujours été d’accord avec eux, ils ont un sentiment de l’organisation qui est un peu différent du notre, nous en sentons les dangers… ” Face à ce “ danger ”, tous les membres de l’ORA se voient “ éliminés ” des postes de responsabilités. Le précédent UGAC, comme constitution d’une tendance organisée, et la l’officialisation de l’ORA avant que la FA ne soit devenue une confédération, sont deux facteurs qui jouent en faveur d’une séparation. D’ailleurs, on a vu que l’ORA n’a pas attendu le congrès pour s’éloigner de la FA et mettre en cause les structures de cette organisation. L’échec du congrès de Marseille accélère le processus de scission.

En avril 1969 paraît L’Insurgé, sous une nouvelle forme qui indique dans son sous-titre que celui-ci est l’organe de l’ORA. Les principes futurs de la société libertaire y sont détaillés et l’acceptation du vote comme outil de décision est un des faits les plus marquants : “ La communauté refusant de se dessaisir au profit des élus, de tout pouvoir de décision, il faut donc qu’elle se décide elle-même. Cela sur deux plans : D’abord, en définissant un programme, ensuite en désignant les mandataires chargés d’exécuter ce programme. La communauté pourra appliquer les deux méthodes qui se complètent. La première consiste en une simple discussion entre les divers projets proposés, discussion dont le but est d’arriver à un compromis acceptable pour tous. En ce cas, la discussion se terminera par un vote unanime : c’est la solution idéale. Mais il faut souvent prendre les décisions rapidement. Or, les opinions sont extrêmement diversifiées d’autant plus qu’elles seront formulées par des millions d’hommes. On recourra donc à un vote à la majorité entre les divers projets proposés, quitte à revenir sur le problème si ce choix s’avère mauvais. ”

En mai 1969, les militants de l’ORA définissent leur conception de la révolution qui sera violente, comme l’exige la réalité et comme l’ont démontré les révolution passées : “ A Prague, quand la population a refusé de collaborer avec les troupes occupantes, elle a pratiqué l’action directe : de même elle a incendié les chars d’assaut soviétiques. C’est cette forme de combat que nous estimons capable de défendre une révolution anarchiste, refusant une armée de techniciens, équipée de bombes atomiques et de bombardiers lourds, les révolutionnaires devront détruire le matériel, l’encadrement militaire et l’armement des envahisseurs ; mais ne pas considérer la troupe comme ennemi : fusiller les cadres, désarmer les soldats, les renvoyer chez eux après leur avoir fait comprendre leur rôle, permet de défendre la révolution en respectant l’Internationalisme
prolétarien. Mieux, c’est la seule méthode qui permette de saper l’arrière des armées occupantes et de provoquer sa désorganisation intérieure. Nous nous inscrivons donc résolument dans cette optique de l’action directe, refusant toute autre voie qui ne peut être que réformiste et contre-révolutionnaire. ”

Les conceptions de l’ORA sont opposées à la fois au spontanéisme qu’incarne le mouvement du 22 mars comme aux tentations réformistes et évolutionnistes de certains courants anarchistes : “ Prétendre miner le capitalisme de l’intérieur en créant des organismes économiques à caractère socialiste est une pure chimère. ” Le mouvement anarchiste doit faire son analyse et clarifier ses positions face à certains courants qui le paralysent. En novembre 1969, l’organisation reprend l’analyse de l’individualisme et son influence historique qui au nom “ de la pureté des principes où une mystique de l’unité ont constamment entravé la création ou le fonctionnement d’une organisation anarchiste sérieuse, valable, solide. ”

La scission ORA-FA consacre la rupture entre différentes formes d’organisation : synthèse et plate-forme. L’ORA reproduit en 1969 la plate-forme d’Archinoff, crée en 1926 et “ qui avait pour but de remédier à l’état d’impuissance du mouvement anarchiste déjà à cette époque, par une prise de conscience de la réalité de la lutte révolutionnaire. ” Les perspectives révolutionnaires offertes par cette forme d’organisation trouvent aux yeux de l’ORA une justification d’importance dans l’histoire de l’anarchie. Les événements de Mai ont montré l’importance pour les organisations anarchistes de l’organisation pour permettre l’efficacité de l’action. Dans ce sens, le mouvement espagnol représente l’exemple à suivre : “ Il est à noter que le mouvement espagnol, dès cette époque, commençait à s’organiser sur des bases proches de celles de la plate-forme ; on sait ce qu’il représentera par la suite. ” La synthèse est rejetée pour ses inconséquences organisationnelles et pratiques : “ Les rassemblements hétéroclites allant de l’individualisme au communisme libertaire ont toujours été un frein à une clarification et à une cohésion théorique. La synthèse de Faure est une utopie dans le cadre d’un mouvement qui se sent révolutionnaire. ” Surtout, la synthèse est un frein à l’extension des concepts anarchistes : “ La séparation des tendance amènera incontestablement un approfondissement théorique. ”

Le congrès de Lorient en mai 1969 est l’avant-dernier auquel l’ORA participe. L’ORA crée au sein de la FA un déséquilibre des forces en présence, et de par son existence, repose la question d’une définition des structures organisationnelles. L’ORA à l’intérieur de la FA représente un nouvel échec pour les partisans de tendance organisée. Le nombre de groupes qui suivent les militants de l’ORA après la scission est restreint. Certains des groupes initiateurs ont d’ailleurs abandonné. L’ORA se présente à son origine comme un groupe réduit essentiellement parisien, dont la création a été hâtée par des raisons “diplomatiques ” et qui ne semblent pas répondre à l’attente du plus grand nombre des militants. Dès novembre 1969, l’absence d’idées nouvelles, sinon celles qui, en matière organisationnelle, sont directement inspirées de la plate-forme d’Archinoff, renforce cette tendance à la désaffection. Seule la volonté tenace de quelques militants à “ continuer ” l’organisation provoquera un sursaut et engagera l’ORA vers de nouvelles perspectives. Celle-ci se sépare définitivement et “ officiellement ” de la FA au congrès de Limoges en 1970. En octobre 1970, l’ORA publie un nouvel organe, Front Libertaire des luttes des classes, qui se déclare “ CONTRE les capitalismes bourgeois et bureaucratiques et leurs impérialismes ” et “ POUR la gestion directe ouvrière et internationale. ”

Cette parution fait suite à l’échec de l’existence de l’ORA dans la FA et à un début de rapprochement avec un autre mouvement qui réclame lui aussi une définition idéologique et une organisation communes : le Mouvement communiste libertaire. L’ORA se fixe deux objectifs précis : “ clarifier le mouvement anarchiste, aussi bien au niveau de ses structures qu’au niveau de ses théories, et développer une stratégie offensive communiste libertaire face au capitalisme, à l’état, et aux organisations léninistes. ” Néanmoins, l’ORA de 1970 n’a plus la même connotation que celle des années précédentes. La mort de Maurice Fayolle en 1969 et les désaccords théoriques entre certains militants lui font perdre cette unité indispensable pour être efficace rapidement.
Au delà de l’évolution de l’organisation, il convient de constater le nouvel échec d’une tendance au sein de l’organisation synthésiste. Plus généralement, les événements de Mai ont brusqué la rupture dans la FA entre les partisans d’une organisation claire et d’une définition idéologique précise et les partisans d’une organisation la plus large possible.