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Recherches anarchistes
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Cédric Guérin
I, L’anarchisme traditionnel et la reconstruction du mouvement 1945-1960

Si la période étudiée prend pour point de départ le début des années cinquante, il apparaît nécessaire de savoir et de comprendre ce qu’a été et ce qu’a représenté le mouvement anarchiste durant la décennie précédente. En effet, ce bref historique a pour but de permettre au lecteur d’avoir toutes les cartes en mains pour appréhender un mouvement qui est de par sa nature même d’une grande diversité.

A la déclaration de guerre, en 1939, les organisations, l’Union anarchiste, qui a pour organe le Libertaire, et la Fédération anarchiste française, avec Terre Libre, qui n’ont prévu aucune structure clandestine disparaissent. Les militants se retrouvent dispersés, parfois sous les drapeaux ou en exil. Petit à petit des contacts se refont et des embryons de réseau se créent autour de personnages comme André Arru ou Henri Bouyé. Ainsi le syndicat des fleuristes CGT, sous l’égide de Bouyé, accueille des réunions de confrontation. Une réunion clandestine, dite de la Fédération internationale syndicaliste révolutionnaire, a lieu en 1942 à Toulouse. Des “ ballades champêtres ” se font. On parle aussi de Fédération libertaire unifiée, d’Organisation du mouvement fédéraliste, de Fédération anarchiste.

C’est le 15 janvier 1944 qu’est mis au point une charte de la nouvelle fédération approuvée à la rencontre d’Agen les 29 et 30 octobre de la même année, puis adoptée par les Assises du mouvement libertaire et le congrès de la Fédération anarchiste qui se tinrent respectivement à Paris les 6 et 7 octobre puis le 2 décembre 1945. D’entrée, cette charte reconnaissait les erreurs de l’avant-guerre dans les deux organisations, l’UA et la FAF :

“ La ligne générale était théoriquement définie par le congrès, mais rien n’était fait pour réaliser et sauvegarder l’unité de vues indispensable à une propagande sérieuse. Il n’était nullement prévu que l’attitude prise publiquement par l’individu, le groupe ou la région ne pouvait être contraire aux positions définies par le congrès. ”

Cette position de la nouvelle fédération face au mouvement d’avant-guerre nous amène directement à aborder des thèmes importants. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, du fait des nombreuses difficultés d’après guerre (morts, éparpillement des anarchistes, défaite des anarchistes espagnols en 1939 et prestige du communisme…), il apparaît indispensable pour tous les anarchistes de se réunir et de reconstruire le mouvement libertaire tout en tenant compte des erreurs et des hésitations du passé. Cette constatation amène les anarchistes qui réaniment le mouvement à afficher une volonté double face aux différentes divisions et querelles qui ont sclérosé le mouvement : d’une part une volonté d’unité entre les anarchistes et de dépassement des clivages et tendances émanant de la pensée anarchiste : individualiste, syndicaliste, anarchiste communiste, éducationnistes, pacifistes… D’autre part, une volonté de dépasser les éternels débats qui ont miné le mouvement avant 1939 à travers la lutte idéologique entre les synthésistes
et les plateformistes, c’est à dire entre les partisans de Sébastien Faure et ceux d’Archinov.

C’est de ce triple constat de danger de mort pour l’idéal anarchiste (manque d’unité, perte de prestige et manque d’organisation) que vont s’établir les bases de la première Fédération anarchiste qui va survivre jusque 1950.

C’est pourquoi il convient à travers ces deux chapitres d’esquisser tout d’abord une présentation du mouvement, de ses composantes et de ses orientations, puis de ses forces vives, les militants, tout en nous attachant à l’aide de ces exemples à définir ce qu’est la pensée anarchiste du milieu du XXème siècle. Il sera alors plus aisé de comprendre les raisons d’un échec terrible pour ceux qui avaient montré la voix à suivre dans l’immédiat après-guerre : l’implosion du mouvement et l’émergence de la doctrine communiste libertaire.